Réalisé par Gabriel Velázquez. Espagne. Drame. 1h180 (Sortie le 11 novembre 2015). Avec Víctor García, Juanlu Sevillano, Débora Borges, Lucía Martínez et Alba Nieto.
Brut, brutal ou sauvage ? En tout cas, "Artico" de Gabriel Velazquez laisse son spectateur pantois, saoulé par tant de violence et de désespérance.
Si le film est tourné théoriquement en castillan, personne ne le soupçonnera en entendant ces jeunes gens incapables de parler autrement qu'en monosyllabes les dents serrées.
Situé dans la région de Salamanque, "Artico" a pour décor une région sans relief particulier, une région peu peuplée où la ville et la campagne sont encore proches et pas séparées par une zone péri-urbaine. Réfugiés dans une maison abandonnée, dans un endroit qui semble loin de tout, le couple d'adolescents trop vite devenus adultes peut apercevoir, au loin, la cathédrale de Salamanque.
C'est ici une Espagne durement frappée par la crise dans une région encore très agricole. Gabriel Velazquez a choisi de s'intéresser à des jeunes issus d'une espèce de sous-prolétariat chez qui le malheur appelle le malheur.
Ainsi, à l'âge où les autres filles découvrent à peine la sexualité, Debi et Lucia sont déjà enceintes ou mères, et, forcément, leurs compagnons appartiennent au même monde sordide. L'amour n'y est qu'un rapport de force de plus, un acte instinctif dépourvu de sensualité, une mécanique qui ne s'accompagne d'aucune tendresse.
"Artico" de Gabriel Velazquez est un film qui ne cherche jamais l'image aimable. On y entend des mains galoper sur une surface de bois et reproduire des chevaux au galop, comme ceux que Jota et Simon, les deux héros délinquants, libèrent de leur enclos. On y voit la mort frapper les hommes aussi tristement qu'elle frappe les animaux qui tombent nombreux dans le film, comme ces colombes qu'ils massacrent par plaisir.
Quand on les suit dans leurs petits trafics, leurs rencontres avec de vrais criminels, on les sait promis au pire. Ces jeunes sans jeunesse et sans lendemain ont sûrement déjà vécu le meilleur de leur vie. Le hic, c'est qu'ils ne s'en souviennent plus parce que les souvenirs eux aussi sont noyés dans un océan de jours mornes.
"Artico" de Gabriel Velazquez rappellera "Vivre vite" de Carlos Saura, en plus sombre. Il y a 35 ans, les personnages de Saura s'enfonçaient dans les combines pour connaître un bref moment d'euphorie, pour posséder l'argent qui leur permettait de satisfaire les vains désirs vantés par les vendeurs du rêve capitaliste. Aujourd'hui, il ne s'agit plus que de choisir entre survivre et s'anéantir.
Pour ces gens de peu, le néant n'est pas loin. Personne ne pourra oublier le sort final de Debi et de ses frères et sœurs en débine. Il faut regarder les yeux dans les yeux, ces premières victimes d'un monde inhumain qui s'installe pour longtemps.
"Artico" de Gabriel Velazquez est un constat terrifiant et terriblement juste. |