Comédie dramatique de Enzo Cormann, mise en scène de Patrick Bonnel, avec Syrus Shahidi et Stan Tyebo.
"Diktat" se passe dans un pays imaginaire comme il y a en tant dans les Balkans. Les Traces et les Tribes se vouent une haine éternelle. La dernière guerre ethnique est encore fraîche et deux frères ennemis vont se retrouver dans des circonstances particulièrement éprouvantes.
Dans "Diktat", pièce écrite en 1995, c'est-à-dire en plein milieu de la guerre en Yougoslavie, on sait tout de suite que la mort est au rendez-vous. Reste à savoir si la fraternité triomphera finalement de l'Histoire.
Enzo Cormann alterne les apartés des deux personnages avec leur dialogue. "Dialogue" est d'ailleurs un mot qui ne convient pas. C'est en fait un combat de mots que pratiquent Val et Pietr.
Pièce sous tension, "Diktat" bénéficie de la belle langue d'Enzo Cormann à laquelle il faudra s'habituer puisqu'il a pris le parti de la littérature et des échanges qui font vraiment sens.
Peu à peu, le spectateur s'engouffre dans ses retrouvailles funèbres, ne cherche plus à découvrir qui a raison de celui qui veut oublier ou de celui qui veut se venger. Comme les deux frères, il aimerait qu'il y ait un ailleurs où ils pourraient retrouver ce chemin commun qu'ils n'ont pas emprunté depuis vingt-cinq ans.
La mise en scène précise et forcément minimale de Patrick Bonnel s'applique parfaitement à ce duo-duel. Syrus Shahidi, qu'on avait découvert dans une extraordinaire interprétation du "Journal d'un fou" de Gogol, confirme qu'il est un des acteurs les plus prometteurs de sa génération. Stan Tyebo est très convaincant en vainqueur désabusé saisi par l'improbable retour de frère-remords.
"Diktat" est une véritable réflexion sur la guerre, cette passion humaine qui détruit toujours les hommes, même longtemps après que la paix lui a soi-disant succédée.
Dans les temps guerriers qui viennent, écouter le message humaniste d'Enzo Cormann n'est pas inutile. |