Spectacle conçu et mis en scène par Pierre Maillet, interprété par Maurin Olles et Pierre Maillet.
En 1975, un jeune homme de 20 ans est pris en stop par un homme à la cinquantaine dépassée. Thierry Voeltzel est homosexuel et ex-militant maoïste, le conducteur est Michel Foucault, homosexuel et professeur d'histoire des systèmes de pensée au Collège de France.
De cette rencontre, dont il est aisé de comprendre l'attrait du second pour le premier, sont nés des entretiens menés par le philosophe qui opère comme un chercheur oeuvrant sur un matériau vivant, qu'il nomme "le garçon de 20 ans", pour sonder la jeunesse de cette époque
Celui-ci n'est pas tant "le" garçon dans un sens générique et représentatif de sa classe d'âge que "son" garçon de vingt ans qui correspond à une catégorie bien spécifique et minoritaire de jeunes gens l'intéressant également à titre personnel et qui pourrait être qualifiée de "libertaire".
En effet, Thierry Voeltzel appartient à la génération qui a raté sa révolution, celle née cinq ans trop tard qui faisait du patin à roulettes lors des événements de Mai 68, et à ces jeunes gens engagés dans le pseudo-gauchisme militant des années 1970 dont l'idéalisme, phagocyté par la désillusion, consiste, à défaut de projet alternatif, un simple rejet des valeurs et des normes du modèle tant familial et sociétal qui conduit à une mise en retrait.
Pour la transposition scénique proposée sous le titre "Portrait Foucault, Lezlove", Pierre Maillet n'opte pas pour une mise en scène revêtant la forme classique du face-à-face inhérent à l'entretien.
En effet, l'interviewer reste quasiment toujours hors champ. Seul, l'interviewé-sujet d'observation, interprété avec efficacité et une frâicheur aussi bienvenue qu'adéquate par Maurin Olles, jeune comédien prometteur, est en pleine lumière ce qui renforce cet aspect de technique d'observation de laboratoire.
Par ailleurs, elle est particulièrement réussie car, d'une part, elle met en évidence, et confirme de manière anecdotique à travers le début de vie erratique de Thierry Voeltzel, que le malaise d'une jeunesse en perte de repères et l'absence de projet de vie, avec pour corollaire le fait de vivre dans l'instant à la seule quête d'un plaisir immédiat, sexuel et/ou consumériste, et à l'ambivalence sexuelle, ne sont des novations du troisième millénaire.
Avec au rang des antiennes foucaldiennes, les problématiques récurrentes de la sexualité que sont notamment la sexualité libérée, entendue comme la dissociation de la pratique sexuelle et du sentiment amoureux, équivalente à un rite de sociabilité dans une civilisation idéale, et le principe d'une homosexualité naturelle, et donc universelle, soumise au refoulement en raison de la pression de la société hétéro-normée.
D'autre part, elle révèle, la manipulation de la parole, notamment par la technique de la reformulation des réponses digne d'un expert en programmation neuro-linguistique, à laquelle procède "le gourou" du structuralisme pour toujours ramener au politique l'exploration d'un vécu subjectif. |