Réalisé par Guy Maddin. Canada. Aventure/Fantastique. 1h59 (Sortie le 16 décembre 2015). Avec Maria de Medeiros, Udo Kier, Mathieu Amalric, Amira Casar, Slimane Dazi, Jean-François Stévenin, Jacques Nolot et Geraldine Chaplin.
Cette fois-ci, c'est autour du thème des films perdus que s'organise "La Chambre interdite" de Guy Maddin.
Cinéaste et installateur canadien, Guy Maddin est un peu le "Borgès" du cinéma contemporain. Un "Borgès" mâtiné de "Méliès" qui crée un climat extrêmement bizarre dans des films oniriques qui semblent à la fois des rêves des spectateurs et des archives poussiéreuses d'une cinémathèque qui rassemblerait des pellicules oubliées, des rushs non montés...
Ceux qui ont déjà vu des films de Guy Maddin trouveront dans "La Chambre interdite" un approfondissement de son œuvre déjà conséquente. Ceux qui le découvriront verront vraiment quelque chose qu'ils n'auraient jamais imaginé voir sur un écran.
Car Maddin utilise le support pellicule comme une matière vivante, jamais stable, toujours saturée, pleine d'aléas, soumise en permanence à des filtres de couleurs. On a donc l'impression de voir un "vieux" film dans des conditions atroces dignes de la cinémathèque française: les sauts d'images se succèdent, les rayures et les flous aussi.
Pour donner le sentiment que les morceaux de films datent de temps cinématographiques immémoriaux, l'écran contient souvent des intertitres, des sous-titres, de toutes tailles et de toutes typographies, voire en langues diverses, comme si la bobine du film censée avoir été retrouvée l'avait été dans une version espagnole ou tchèque...
Pour accentuer la profusion aléatoire, le muet alterne avec le parlant, les gros plans avec les profondeurs de champ, la musique mélodramatique avec les cris des personnages.
Au départ, il y a une histoire, une pseudo-histoire, d'un sous-marin à la Jules Verne qui ne peut remonter sous peine d'exposer car il contient une substance, une gélatine, qui ne supporte pas le changement de pression. Et puis, tout à coup, dans ce huis-clos pathétique survient un personnage incongru, un forestier canadien qui a échappé aux "Loups rouges" une secte de voleurs que l'on peut rejoindre si l'on sait claquer des doigts ou taper dans une vessie de porc...
Dès lors vont s'enchaîner les histoires dans les histoires, dans une mise en abyme hypnotique et suivant un déroulé abscons qui perdra même les plus malins des spectateurs. Récits de série B ou Z, avec volcans qui se nourrissent d'héroïnes capturées par des tribus zarbies, savants fous ou docteurs romantiques attaqués par des squelettes, toute une imagerie entre débilité et surréalisme se déploie pour le plus grand plaisir de ceux qui aiment la narration pour la narration.
"La Chambre interdite" de Guy Maddin ravira ceux qui s'amuseront à reconnaître tous les comédiens français ou canadiens qui apparaissent dans ces récits gigognes, viennent faire quelques grimaces expressionnistes.
Guy Maddin affirme avoir travaillé sur des films perdus de grands cinéastes et vouloir mettre en place sur internet un programme plus ambitieux qui s'appellerait "Spectres".
Pour l'heure, son film cohérent dans le décousu est un formidable moment qui déclenchera rires et migraines. En tout cas, quoi qu'on en pense, "La Chambre interdite" de Guy Maddin est une œuvre réjouissante qui prouvera mille fois que le cinéma n'est pas un art mort et qu'on peut donner autre chose à voir que la millième séquelle de Star Wars. |