Comédie de Bruno Fougniès, mise en scène de Rubia Matignon, avec Robert Aburbe, Lola Accardi et Michèle Bourdet.
Il faut tout de suite dire à ceux qui ont peur que la maladie d'Alzheimer soit contagieuse et qu'il est préférable de n'en point parler, qu'ils ne risquent rien en allant voir la pièce de Bruno Fougniès.
Car celui-ci est un auteur malicieux : s'il traite bien de la maladie annoncée, il n'en tire pas un drame et se retrouve bien vite du côté de la comédie, de la meilleure comédie qui soit puisqu'elle combine rires et émotion.
Nymphe et Pussy ont été d'éphémères gloires du music-hall. Elles ont longtemps arpenté les scènes de cabaret, notamment celui créé par Armando, qui fut par ailleurs leur amant commun et la cause de leur brouille de vingt ou trente ans.
Quand commence "Ne m'oublie pas", lettres en main, sur leur 31 le plus sexy, elles se retrouvent toutes les deux dans l'intérieur campagnard d'Armando qui les a convoquées à la même heure du même jour. Qu'est-il devenu, que leur veut-il ?
Comme bien des personnages, il se fait attendre, mais, quand il arrive et les gratifie d 'un "bonjour, Mesdames !" et ne paraît pas les reconnaître, la belle mécanique de "Ne m'oublie pas" est lancée. Bien sûr, il faudra encore quelques scènes pour que les deux belles aux langues bien pendues comprennent ce qui lui est arrivé...
Attention, on le répète, ici Bruno Fougniès n'est pas là pour faire un drame d'Alzheimer et pour en convaincre et rendre son spectateur heureux, il a une jolie idée : les deux anciennes groupies d'Armando le poussent vers le piano qui occupe un coin de son bric-à-brac... Et le miracle survient ! Lui qui prétendait ne pas savoir jouer retrouve ses notes, reconnaît ses poulettes...
On le dit souvent, les malades d'Alzheimer sortent parfois de leur monde vide pour s'intéresser à quelque chose qui les a jadis passionnés.C'est donc ce qu'il advient dans "Ne m'oublie pas".
La pièce peut alors partir en roue libre sur des airs de connivences avec le public, comme un très beau "New York New York", interprété par Robert (Armando) Aburbe. Lola (Pussy) Accardi et Michèle (Nymphe) Bourdet ne seront pas de reste en chanteuses et danseuses en boas autour du cou.
C'est une belle prouesse que réussit Bruno Fougniès, il redonne sa mémoire à son personnage et ressuscite le temps de ces petits cabarets qui fleurissaient encore ça et là dans les années 1970-80, comme en attestent les films de Paul Vecchiali.
En tout cas, "Ne m'oublie pas" est une pièce agréable, menée sans temps mort et qui traite avec bienveillance, sans mépris ni cruauté, cet univers que d'autres auraient caricaturé au nom de sa prétendue ringardise. Bruno Fougniès est de ces bons esprits qui font les bonnes pièces. |