Réalisé par Víctor Arregui. Equateur. Drame. 1h30 (Sortie le 23 décembre 2015). Avec Manuel Calisto Sánchez, Ramiro Logroño, Randi Kraup, José Alvear, David Nieto, Lalo Santi, Catalina Cárdenas, Ana Miranda et Juan Martín Cueva.
C'est un destin singulier qui pèse sur "Cuando me toque a mi" ("Quand mon tour viendra") de Victor Arregui. En effet, il aura fallu une bonne dizaine d'années pour que ce film équatorien vienne frapper aux portes des cinémas français.
Pourtant, ces histoires banales qui se croisent et s'entrelacent dans un Quito que l'on découvre comme un univers-ville où la mort rôde à tous les coins de rue ne sont pas banales du tout. Car Victor Arregui regarde ce condensé d'humanité par le prisme d'Arturo Fernandez, un médecin légiste, fataliste et porté sur la vodka, un homme raisonnable qui préfère la compagnie des morts à celle des vivants.
Si l'on estime, comme Pierre Carles dans son film "Opération Correa", que le président actuel de l'Équateur, le charismatique Rafael Correa, a changé le visage de son pays, on pourra penser que le film de Victor Arregui vient trop tard sur les écrans français. Si l'on en est moins persuadé, ou que l'on fait de Quito une capitale à l'image de bien d'autres en Amérique latine, on pensera exactement le contraire.
Entre Eros et Thanatos, mort facile et vie difficile, corruption généralisée et solidarité absente, on y verra un monde grouillant et bouillonnant dans lequel l'égalité n'est qu'ultime, sur une des civières de la morgue où officie le docteur Fernandez.
Et encore, cette égalité est très relative. Puisque la non-autopsie peut s'acheter et que sans les véritables enquêtes d'Arturo Fernandez, certains cadavres sont promis au sort le plus funeste, celui de la fosse commune.
Pourtant, cela ne veut pas dire que "Quand mon tour viendra"de Victor Arregui ne soit qu'un film morbide teinté d'humour noir.
On y lit en filigrane une vraie compassion pour les morts et le personnage principal, qui développe une philosophie très personnelle de la vie à l'aide de petits verres de vodka bus cul sec, n'aligne pas toujours que des lieux communs.
Retenir ce qu'il retient de la vie à force de fréquenter les morts sera forcément fructueux.
De cette balade en tous sens dans Quito qui finit toujours au même endroit, on ne ressortira donc pas tant déprimé que ça. "Quand mon tour viendra" de Victor Arregui est une proposition cinématographique intemporelle et réjouissante. |