Réalisé par Yorgos Lanthimos. Grèce/Grande Bretagne/France/Irlande/Pays Bas. Drame. 1h58 (Sortie le 28 octobre 2015). Avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Jessica Barden, Olivia Colman, Ashley Jensen, Ariane Labed, Angeliki Papoulia, John C. Reilly et Léa Seydoux.
Il ne doute de ce rien ce quadra ordinaire, introverti et replet au sex-appeal de moule de bouchot quitté par sa femme, sans doute pas un foudre de guerre, à mettre, peut-être, au compte d'un sens de l'autodérision implicite.
Il voudrait être réincarné en homard car il aime la mer et c'est un animal au sang bleu comme les aristocrates et à la longévité physique et sexuelle hors du commun.
Ce qui risque de lui arriver s'il ne forme pas un nouveau couple car il vit dans une société hétéronormée et disciplinaire axée sur le contrôle social. qui ne reconnaît, et, par voie de conséquence, impose, qu'un seul statut à l'individu adulte, celui du mariage hétérosexuel.
Mais trouver l'âme soeur n'est pas chose aisée d'autant que cela passe par un séjour très encadré dans un centre pour célibataires, avatar de l'agence matrimoniale, qui s'assure de la conformité de l'appariement à un principe propre à assurer la stabilité du couple hors des fantaisies du sentiment.
Celui-ci tient de l'hybridation du bon sens populaire qui préside au proverbe "qui se ressemble s'assemble" et du détournement du principe de la reproduction biologique imposant l'identité d'espèce, chaque individu ayant, en l'espèce, un référent animal.
En cas d'insuccès à l'expiration d'un délai éventuellement prorogé selon les performances cynégétiques des impétrants,dont la primeur des modalités est laissée au spectateur, les "single" sont éliminés par voie de métamorphose animale, sauf s'ils s'échappent du dispositif pour entrer dans l'exclusion volontaire et la clandestinité et tomber sous la coupe d'un système miroir imposant le célibat et l'asexualité.
D'évidence, le film semble s'inscrire dans le genre de la dystopie, avec, au demeurant des thèmes largement exploités mais celui-ci est largement battu en brèche par le caractère totalement ambivalent du scénario élaboré par Yorgos Lanthimos et Efthimis Filippou qui ressort davantage tant à la fable (sur)réaliste, empruntant largement aux mythes antiques et bibliques, qu'au conte noir, intégrant, de surcroît, une composante fantastique et une comédie romantique atypique.
Avec une réalisation objective presque austère et parfois glaçante, qui n'est pas évoquer celle du cinéma nordique, et le jeu "underplaying" des acteurs, notamment, dans les rôles principaux, celui de Colin Farrell, avec son monolithisme habituel, et de Rachel Weisz avec un seule note de jeu, celle de l'émotion larmoyante,campant des personnages ne suscitant pas l'empathie, Yorgos Lanthimos propose une étonnante et déstabilisante balade dans un monde qui n'est ni celui d'aujourd'hui ni celui de demain et évoquant davantage, notamment par son iconographie, celui des sociétés totalitaires des années 1960.
Entre le rire, provoqué par la récurrence de l'humour noir, et l'effroi, face aux conséquences mortifères de l'annihilation des processus affectifs, ce homard à la grecque incite à la réflexion sur l'avenir du couple et la métaphysique du bonheur. |