Comédie de Leonard Gershe, mise en scène de Jean-Luc Moreau, avec Nathalie Roussel, Anouchka Delon, Julien Dereims et Guillaume Beyeler.
Quentin, vingt ans, s'est donné un but : se passer de sa mère pendant au moins un mois. Dans son studio bohème de Barbès, il se croit loin de Neuilly et enfin libre comme un papillon...
Surtout quand il découvre qu'il a une charmante voisine, Julia, toute aussi envahissante que sa maman, mais qui se fait une autre idée des relations qu'elle peut avoir avec lui. Ah... une petite information qu'il faut révéler même si, comme Julia, on ne le découvre pas tout de suite quand on est spectateur : Quentin est privé de la vue. Pour un aveugle de naissance, être libre comme un papillon, c'est déjà un sacré défi, mais que dire quand il se combine avec un choix cornélien entre deux femmes volcaniques ?
Scénariste de "Drôle de frimousse", parolier de comédies musicales, Leonard Gershe obtient avec "Libres sont les papillons" son plus grand succès comme dramaturge. La pièce sera portée à l'écran en 1972 et vaudra même Eileen Eckhart qui joue le rôle de la mère de Quentin, un oscar.
Avec un argument qui n'a pas vieilli, pas plus que son traitement, la pièce a constamment été reprise ou adaptée, comme en 2008, par Hélène Zidi-Cheruy, dans une version avec Tahar Rahim, qui marqua les esprits dans le rôle du jeune aveugle et fut déterminant pour Jacques Audiard pour lui donner le rôle du "Prophète"
C'est donc au tour d'Eric-Emmanuel Schmitt d'en proposer une adaptation. Il a, selon son habitude, cherché à être avant tout efficace. La pièce, très anglo-saxonne, très portée sur les rapports psychanalytiques, devient très française. Barbès s'oppose à Neuilly et la chambre de bonne de Quentin effraie sa mère grande-bourgeoise.
Comme à l'accoutumée, certains reprocheront à Éric-Emmanuel Schmitt d'avoir schématisé à l'extrême un canevas plus enchevêtré. D'autres, au contraire, le féliciteront d'avoir élagué le synopsis de la pièce et de n'en avoir retenu que de beaux affrontement d'acteurs.
Faisant fi de la complexité des caractères, il laisse avant tout s'exprimer les cœurs et donne l'occasion à de vrais affrontements entre les trois acteurs principaux. En aveugle lancé dans le grand bain des voyants,
Julien Dereims est émouvant et tient son rôle de bout en bout, ne s'accordant aucune facilité quand les spectateurs ont compris qu'il est censé ne pas voir. Anouchka Delon est très à l'aise dans son personnage de jeune femme libre et inconséquente qui découvre ici que papillonner n'est pas forcément synonyme de liberté.
Quant à Nathalie Roussel, elle sait s'extraire du manichéisme que son rôle de mère possessive et égoïste pouvait impliquer et lui donner une belle duplicité ambigüe, qui pourrait bien lui valoir les honneurs des Molière.
Guillaume Beyeler complète la distribution et a bien du mérite à faire exister ce metteur en scène branché qu'Éric-Emmanuel Schmitt n'aime visiblement pas.
Cela ne gênera pas la plupart des spectateurs qui devraient apprécier cette proposition originale, jamais mièvre ni compassionnelle, et qui, servie par la mise en scène allègre de Jean-Luc Moreau, leur fera passer une bonne soirée théâtrale. |