Spectacle écrit et mis en scène par Joris Mathieu en compagnie du collectif artistique Haut et Court, avec Marion Talotti, Philippe Chareyron et Vincent Hermano.
La mère en collant rouge et le père, chemise rouge et noire à carreaux, dans un intérieur aseptisé. Tous deux essayent de rentrer en communication avec leur fils Nils, adolescent qui s’est enfermé dans sa chambre depuis des jours et refuse d’en sortir.
Voici le point de départ d’"Hikikomori (le refuge)", une création singulière de Joris Mathieu, dont la particularité est d’avoir, selon le casque fourni au spectateur, la possibilité d’entendre le récit de trois points de vue différents (le fils, la mère, le père) adaptés aux différents publics.
Sur scène, la scénographie grise se compose d’un plan incliné orné d’une grande fenêtre rectangulaire aux angles arrondis qui servira d’écran aux tableaux, permettant aux comédiens de jouer derrière la baie translucide. Devant ce grand panneau qui fait toute la largeur du plateau, ne reste qu’une mince allée, lieu de passage du père et de la mère pour aller frapper à la porte close du fils à droite de la scène.
L’aspect froid et aseptisé de l’appartement renforce l’impression du manque de communication qui s’est installé entre les membres de la petite famille. Grâce à la formidable création sonore de Nicolas Thévenet qui donne à l’ensemble l’ambiance d’un film de David Lynch et au texte énigmatique de Joris Mathieu qui nous emmène dans un futur proche où les élèves absents sont géo-localisés, on entre facilement dans cet univers étrange et envoûtant.
Sur la version entendue (celle de l’adolescent), le jeune Nils, rejeté par ses camarades de collège parce qu’il fait du vélo en extérieur et que ses parents ne sont pas adeptes des nouvelles technologies, éprouve le besoin de se retirer du monde pour prendre du recul et passer une étape comme un rite initiatique.
Malgré les qualités indéniables de cette création et l’atmosphère particulière qui s’en dégage (entre fantastique et poésie), l’expérience laisse un goût d’inachevé. D’abord parce qu’on n’a qu’un seul point de vue et à moins d’y aller en groupe ou en famille et d’en débattre ensuite (ce qui peut lancer des discussions en famille), on ne saura rien des autres versions (l’intérêt aurait été de comparer). Il faudra donc voir le spectacle trois fois…
De plus, l’expérience isole le spectateur qui ne ressent plus la sensation de l’expérience collective propre au théâtre, n’entend plus ni rires ni frissons autour de lui mais un commentaire froid. Et une salle dont on est coupé, c’est un peu de la magie du théâtre qui s’envole…
Si le but était d’éloigner les jeunes spectateurs des nouvelles technologies (et peut-être est-ce le cas), on peut dire que c’est alors plutôt réussi. |