J’ai commencé par pester sur l’obsolescence programmée des lecteurs de rondelette, l’album de Candide faisait des bruits étranges sur la platine. Alors que ce n’étaient que d’étranges sons pour le début de son Refrains étranges.
Il était un grand bonhomme, pirouette, cacahuète, qui avait une grande envie, celle de rester libre de ses choix artistiques et de poser tous ses doigts sur ses créations. Voilà ce qu’on peut dire de Candide, défendant ici son second album. Musicien passionné, chanteur à ses heures, il crée, compose, enregistre, modifie, arrange, perfectionne et recommence pour plein de mille de titres, et remet ça pour sélectionner les 12 qu’il abandonnera aux oreilles du public.
Je me souviens du Candide de Voltaire qui s’étonnait naïvement des cruautés que des hommes prétendument supérieurs faisaient subir à d’autres hommes arbitrairement déclarés inférieurs. La candeur doublé d’un optimisme sans peur dans toute sa splendeur. Ce Candide des Refrains étranges aborde-t-il la musique de la même manière ? Probablement.
Cet album regorge d’inattendus, comme un lifting de "Fier et fou de vous" de William Sheller, aux basses imprimées plus profondément, plus métallique, plus résonnant… mieux. Et un hommage à Gainsbourg pour une seconde reprise du génie. Une voix venue d’outre-marine dans "Où monde s’en va", avec ces cris intérieurs d’impuissance retenue face au mur dans lequel le monde fonce tête baissée. Ou encore un moment Caraïbes, à l’ombre d’un feuillu en fleurs et sans chute de fruit ("La plage de l’éléphant").
Mais ce n’est pas tout, des riffs énervés, du rock des années 60-70 à décoiffer les speakerines, et qui serait probablement menacé d’attentat s’il naissait dans notre monde d’automédication de traque de tumeur maligne. Pas de méchanceté gratuite, de l’amour et du chant pudique, deux duos féminins (Mow et Manon) aux jolies voix félines et veloutées. "Je te souris tu me châties, quand je te fuis tu me poursuis, quand je t’attise, toi tu m’oublies" ("Le chat et la souris"). "Il est des mots qui kidnappent la pudeur, ces mêmes mots qui drapent le cœur" ("Si je savais dire je t’aime").
Candide chante aussi pour les créateurs à l’inspiration aléatoire ! L’insaisissable mélodie qui te hante toute la nuit et qui s’amuse à jouer avec tes pensées : "Reviens-moi comme un refrain étrange en moi, à chaque fois c’est le même cinéma, elle joue de son charme avant que je pose ma langue et mon texte sur toi, je passe mes nuits à jouer au chat et à la souris avec ces mélodies" ("Refrains étranges"). Superbe titre dans lequel il confirme que la page blanche est la nécessaire trouille comme un trac avant la scène.
Comme une idée qu’on poursuit, un mot sur le bout de la langue, un son qui nous échappe, Refrains étranges de Candide nous ramène à ce que nous sommes déjà : des êtres pétris d’avant et d’après, une suite des précédents et un pénultième avant le suivant. Des inspirations et des créations d’avant, customisées aux moyens du désormais, un doux moment de musique à savourer entre deux saisons. Et beau gosse en plus. Quel homme !