Biopic écrit par David Lescot, mis en scène par Anne-Laure Liégeois et interprété par Agnès Pontier et Olivier Dutilloy.
David Lescot a donné un titre anodin quasi assoussien à une partition qui ne l'est guère, "Les époux" retraçant l'irrésistible ascension d'un couple au patronyme de bien sinistre mémoire dans l'Histoire de leur pays comme dans celle des dictatures.
Unis pour le meilleur, pour eux, et pour le pire, pour les autres, Nicolae Ceausescu, le "Conducator" du Pêuple autoproclamé "génie des Carpates", et Elena Ceausescu, la mère de la Nation, que rien ne prédisposait à s'élever en une génération de la miséreuse paysannerie roumaine au sommet de l'Etat, font la paire.
Lui, abruti bègue et inculte, elle bête, méchante et sans scrupule, guère plus intelligente mais possédant la malice et la rouerie des sots, deux "bidochons" à "l'air con et la vue basse" dont personne ne se méfie intègrent le milieu du militantisme ouvrier, mouvement communiste pour lui, syndicat ouvrier pour elle, un des meilleurs moyens de promotion des médiocres, des incapables, des cossards et des incompétents qui profiteront de toute faille du système et de la moindre opportunité résultant de la guerre des chefs.
Pour les Ceauscescu, l'accession au secrétariat du parti communiste, première marche d'un pouvoir absolu habilement négocié, ouvre les vannes du culte de la personnalité, de la mégalomanie et de la folie meurtrière.
Le plus terrifiant tient à l'absence de garde-fou, entendu de manière polysémique, face à la une conjuration des imbéciles et à la complaisance des nations occidentales qui cautionnent cette dictature à deux têtes s'avère particulièrement efficiente en raison d'une répartition des rôles, l'exercice du pouvoir pour lui, la propagande pour elle, qui satisfait chacun des egos.
Ni essai-théâtral ni docu-fiction tout en s'appuyant sur le factuel exhaustif, la partition intelligente et efficace de David Lescot, qui va à l'essentiel avec des dialogues peaufinés sans une réplique superfetatoire, retrace ce délire à deux par la voie du grotesque et de la satire, tout en se gardant de tout psychologisme, ce qui permet de rire de l'insoutenable et, indique-t-il, de dégonfler les baudruches.
A l'origine du projet d'écriture après son très réussi "Macbeth" dans lequel sévit un autre couple infernal, Anne-Laure Liégeois lui emboîte le pas en navigant entre le burlesque pointant le ridicule des protagonistes réels qui sont leur propre caricature et la farce noire.
Dans une boite blanche vide, brièvement animées d'images d'archives, se déroule la "belle histoire" de deux personnages dépourvus de personnalité comme de charisme. Ils se rencontrent en costume traditionnel, tels de naïves poupées folkloriques, puis se marièrent, eurent des enfants et vécurent heureux au prix de la destruction d'un pays et de l'asservissement d'un peuple.
Réalisant une prodigieuse composition de clowns féroces, Agnès Pontier et Olivier Dutilloy sont tout simplement époustouflants. |