Spectacle écrit et mis en scène par Fabrice Murgia, avec Viviane De Muynck, la chanteuse Lore Binon et le quatuor Aton’ & Armide Collective.
Sur l’image projetée sur le rideau de scène, une petite fille en robe rose qui danse dans le soleil, en plein milieu du désert d’Atacama. Le rideau s’ouvre, et c’est une étendue de sable que l’on découvre, tapissant tout le plateau.
Au milieu, une femme, les avant-bras posés sur les accoudoirs d’un fauteuil usé posé à même le sol, une cigarette à la main dont les volutes semblent partir dans le vent. Viviane De Muynck, immense comédienne, raconte le destin dans le Chili de Pinochet de milliers de femmes et d’hommes, enfermés et torturés dans le camp construit à Chacabuco, dans l’ancienne cité minière devenue ville abandonnée.
Fabrice Murgia, comme il y a quelques années avec le formidable et glaçant "Life : Reset" utilise comme personne la vidéo et les différents plans, superposant l’actrice, les témoignages filmés, des images poétique mais aussi le fabuleux quatuor de violoncelles Aton’ & Armide ou encore l’épatante chanteuse lyrique Lore Binon pour ne former plus qu’une seule matière d’une sublime esthétique dévoilant, récit après récit, l’horreur trop longtemps tue.
Les survivants racontent avec pudeur et sans pathos la souffrance endurée mais aussi la grande solidarité. Et comment les détenus (parqués par vingtaines dans des maisons semblables), pour survivre, jouaient à s’inventer une vie sociale et avaient créé un théâtre ou une université pour ne pas sombrer.
Avec une grande délicatesse, les images et les voix se succèdent. Les plans se superposent à merveille, comme les époques. Le résultat est d’une parfaite beauté. Tout le travail de la Compagnie Artara est à saluer, que ce soient la composition musicale et l’installation sonore de Dominique Pauwels, la vidéo de Giacinto Caponio & Jean-François Ravagnan ou encore les formidables lumières d’Enrico Bagnoli.
Avec "Children of Nowhere (Ghost Road II)", Fabrice Murgia réhabilite les sans-noms enfermés à Chacabuco, exilés depuis dans le monde entier et livre avec cet oratorio où la force des mots, des images, des voix et de la musique s’enrichissent mutuellement, un hommage émouvant autant qu’un devoir de mémoire, à la fois terriblement réaliste mais aussi parfois onirique comme le vent fou dans le désert d’Atacama.
Un très beau spectacle, limpide et poignant. |