Comédie dramatique de Bernard-Marie Koltès, mise en scène de Richard Brunel, avec Axel Bogousslavsky, Noémie Develay-Ressiguier, Évelyne Didi, Nicolas Hénault, Valérie Larroque, Pio Marmaï, Babacar M’Baye Fall, Laurent Meininger, Luce Mouchel, Tibor Ockenfels, Lamya Regragui, Christian Scelles, Samira Sedira et Thibault Vinçon.
Dernière pièce de Bernard-Marie Koltès, "Roberto Zucco" est un texte où règne la mort, l'obscur, l'impossible retour au monde lumineux d'avant la chute consacrée par le meurtre du père.
Composée de saynètes juxtaposées, "Roberto Zucco" ne donne pas toujours le sentiment d'une continuité logique comme a réussi à lui trouver ici Richard Brunel. Avec ses échafaudages et ses parois coulissantes, il ne perd jamais le tempo rythmé qu'il s'est donné et la succession de personnages baignant dans des atmosphères différentes ne nuit pas à l'unité de l'ensemble.
Metteur en scène d'opéras, Richard Brunel sait particulièrement bien faire se déplacer les figurants, réussir à les amalgamer pour donner l'illusion d'un monde grouillant, d'une plèbe qui se délecte des crimes de Zucco et de sa folie sanglante.
Sous sa baguette créative, on ne peut s'empêcher de trouver beaucoup de points communs entre Roberto Zucco avec "M. le Maudit", lui aussi traqué par la pègre, lui aussi éliminé par un lumpen prolétariat qui redécouvre l'instinct de la meute.
Si la pièce fonctionne spectaculairement, dans un monde d'ordures stylisé par un abus de sacs plastiques bleus et blancs, elle n'est plus qu'une machinerie efficace qui cache habilement, il faut oser l'écrire, un texte assez pauvre, assez attendu, assez convenu et bien daté à l'heure où les hécatombes qui frappent ont besoin de plus de deux mains pour qu'on fasse le compte de leurs victimes.
Assassin métaphorique, pour ne pas dire poétique, Roberto Zucco, que Koltès avait mis scandaleusement dans les pas du vrai Roberto Succo, n'incarne plus qu'un mal anecdotique, daté, incarné par un Pio Marmaï poupin, peu affuté et, au final, pas très convaincant.
Plus criminel d'opérette que d'opéra, il a le visage charmant d'un beau garçon bien trop calme dans l'expression de sa folie et n'est absolument pas le double tragique d'un jeune dramaturge touché par une injuste maladie. Dès lors, le roi est nu et c'est plus dans un épisode d'une série américaine que dans un film expressionniste allemand que Richard Brunel finit par plonger ses comédiens.
On pourra prendre du plaisir à ce "soap opera", chewing-gum des yeux plus que réflexion sur une dérive criminelle aux accents métaphysiques. Dès lors, la belle distribution sera surtout l'occasion de numéros d'acteurs parmi lesquels on retiendra évidemment celui d'Evelyne Didi et celui d'Alex Bogousslavsky qui d'un non-rôle fait un joli moment de théâtre, apportant une fantaisie bienvenue dans une version qui en manque par trop. |