Réalisé par Andrew Cividino. Canada. Drame. 1h29 (Sortie le 17 février 2016). Avec Jackson Martin, Reece Moffett, Nick Serino, David Disher, Erika Brodzky, Rita Serino, Katelyn McKerracher et Kyle Bertrand.

Traiter cinématographiquement du passage de l'enfance, ou de la préadolescence, à la pleine adolescence, ou à l'état précédant celui d'adulte, n'est pas d'une originalité folle.

Mais, visiblement, c'est un sujet qui passionne Andrew Cividino qui, après avoir réalisé un court-métrage déjà intitulé "Sleeping Giant" a redonné ce titre à son premier long métrage.

D'ordinaire, ce genre filmique s'appuie sur des personnages avec des physiques avantageux ou, au contraire, typés de manière conventionnelle (le gros jovial, l'intellectuel à lunettes). "Sleeping Giant" d'Andrew Cividino prend un tout autre parti pris : ses trois héros ne sont pas gâtés par la nature, s'ébattent dans l'âge ingrat.

Des dents qui dépassent, des cheveux trop longs filasses, des tâches de rousseur, les deux cousins Nate et Riley et leur copain Adam n'ont pas encore trouvé les points forts qui compenseront leurs petites imperfections qui peuvent encore leurs paraître insurmontables.

Andrew Cividino les prend au début de leurs vacances et l'on suppose que l'enjeu de son film va être d'hâter leur chrysalide dans le dur de l'adolescence, celui où l'on arrête les bêtises pour passer aux premières aventures.

Situé dans un cadre idyllique, le Lac Supérieur qui sépare le Canada des États-Unis, "Sleeping Giant" s'attache à un milieu assez privilégié, même si les deux cousins, en vacances chez leur grand-mère, appartiennent plus à la petite classe moyenne et qu'Adam, en vacances avec ses parents, est plutôt issu d'un milieu supérieur.

Sortir avec Nate et Riley, c'est pour Adam une sorte d'encanaillement où les frissons seront garantis. De petits vols en premiers émois trahis, de la découverte de la fumette à la révélation des turpitudes adultes, Adam va passer un été riche en événements.

Cette chronique des vertes années, Andrew Cividino la dessine avec beaucoup de soins et réussit à en cacher longtemps les enjeux et la mécanique tragique.

Dans un film estival tourné dans des décors qui sous-entendent plutôt des temps heureux, "Sleeping Giant" d'Andrew Cividino distille peu à peu une vraie angoisse. Pas question d'inventer un monstre ou un serial killer dans cette île mystérieuse qui attire le trio, mais ce qui va s'y dérouler est autrement plus traumatisant.

Au lieu d'en rester aux moments attendus, et notamment ceux où Adam pourrait quitter sa peau enfantine en perdant sa virginité, Andrew Cividino fait d'une falaise la métaphore parfaite de l'avant/après.

Témoin puis finalement acteur, Adam ne risque pas d'oublier les vacances de cette année-là. On est loin, très loin des adolescents rêveurs biberonnés au "Grand Meaulnes", mais comme dans le roman, c'est la mort, la mort la plus injuste, qui permet de changer de monde.

Ici tout commence pour les uns quand tout finit pour les autres. Mine de rien, sans avoir l'air d'y toucher, "Sleeping Giant" d'Andew Cividino réussit un vrai beau film sur la fin de l'enfance.