Réalisé par François Ruffin. France. Documentaire. 1h24 (Sortie le 24 février 2016).
Enfin un peu de beurre dans les épinards de l'ultra-gauche avec "Merci Patron !" de François Ruffin.
Pour son premier film, le trublion des médias, maître d'oeuvre de "Fakir", une revue picarde qui se porte comme un charme vénéneux, va leur requinquer le moral.
Ce Tintin radical est en effet parti en guerre contre LVMH et son milliardaire de PDG, le sympathique Bernard Arnault. Oh ! Il ne s'agit pas d'une guerre sanglante ni d'une guérilla dans les champs de betteraves de la Picardie. Ruffin, omniprésent comme un Michael Moore rigolard, a préféré la guerre secrète.
Si l'on avait le sens de la formule, on dirait que "Merci Patron !" pourrait être un épisode de "Mission impossible chez les ch'tis". Avec micros cachés dans la maison nordiste sans chauffage de la famille Klur, avec coups tordus et manipulations pour attirer les séides du grand chef du luxe français dans un piège diabolique.
Objectif : faire cracher 25 000 euros à l'homme le plus riche de France et faire obtenir un CDI chez Carrefour à Serge Klur.
Travaillant dans une usine Kenzo du Nord appartenant à Monsieur Arnault, Serge et sa femme Jocelyne ont été, comme plusieurs centaines d'autres, victimes de la délocalisation hors de France de ce fleuron de l'industrie textile. Sur les conseils du rusé Ruffin, les Klur, criblés de dettes, menacent de médiatiser leurs déboires.
Comme la gauche vient d'arriver au pouvoir et que le très droitier Bernard croit qu'elle est encore bolchévique et pas pré-macronesque, il craint que les moustiques Klur puissent le piquer...
Et il décide de cracher au bassinet quelques dizaines de milliers d'euros pour que ces galeux se taisent. Toute la suite va être filmée en caméras cachées et devrait étonner - et faire rire - plus d'un Saint Thomas qui a besoin de voir pour croire la vraie nature du capitalisme.
Bien sûr, François Ruffin mérite d'être bastonné et n'est pas exempt de reproches : pour une famille Klur de sauvée, combien toujours au RSA ou aux Restos du cœur ?
Et puis, son narcissisme à la "Moore", avec filmage de ses enfants mignons, bien loin de l'auto-dérision d'un Pierre Carles pose problème. David Ruffin seul contre Bernard Goliath, ce combat de catch catch médiatique titanesque, est-ce bien là le problème de la France d'aujourd'hui ?
Ce qui va être intéressant c'est la réaction - ou le silence - des grands médias appartenant tous à des grands patrons ou proches d'un gouvernement qui leur détricote le Code du travail. Comment vont-ils traiter ou maltraiter "Merci Patron !" de François Ruffin promis à un grand succès chez toute une part de la population qui n'a le droit d'habitude qu'à des coups de matraques en fin de manifestation ou à quelques minutes parcimonieuses pour expliquer ses positions anti-libérales ?
Car aux accents de la chanson vacharde des Charlots, "Merci Patron !" de François Ruffin frappe fort, même s'il ne frappe pas toujours juste et a l'irritante autosatisfaction de ceux qui ne doutent jamais de leur doute.
Ceux qui sont allergiques au cinéma politique doivent être rassurer : "Merci Patron !", avec son héros "François super malin Ruffin" peut aussi se regarder comme un grand film comique. Honnêtement, quitte à chagriner le peu progressiste Dany Boon, on y rit plus qu'à "Bienvenue chez les ch'tis" |