Spectacle conçu et mis en scène par Rémy Oppert d'après les textes éponymes de Louis-Ferdinand Celine, avec Jack Gallon et Rémy Oppert.
A son retour en France au début des années 1950, écrivain mis à l'index et, sommé par son éditeur, face à son échec tant commercial que critique, de se plier aux obligations de promotion et de service après-vente incombant aux auteurs, Louis-Ferdinand Céline accepte de se prêter à l'exercice de "l’interviouwe".
A défaut de concrétisation, le roué écrivain rédigera lui-même les vrais faux "Entretiens avec le professeur Y" qui ressortent tant au pamphlet qu'au manifeste.
En effet, se positionnant habilement face à un interlocuteur caricatural, un sot réticent et inculte, et renversant la dynamique de l'entrevue, il épingle la vacuité et la fatuité du petit monde littéraire, fulmine contre le roman "chromo", livre, par la voie de l’autodérision littéraire, son auto-représentation en écrivain maudit, galérien du style et inventeur d'un "petit truc", la restitution de l'émotion du parlé à travers l’écrit, et déplore l'absence de goût et de discernement des lecteurs.
Mais il délivre également une analyse du monde, certes parfois radical et misanthropique, qui, néanmoins, s'avère toujours d'actualité qu'il s'agisse de la société du spectacle, ou de l'abrutissement des masses, au demeurant simultanément amorphes et hystériques, morphinées à la radio à l'époque.
Avec la verve jubilatoire qui use du lyrisme comique célinien, ces entretiens constituent un vrai matériau théâtral puisque reposant sur une confrontation "énervée" et comportant une vraie progression dramatique, en forme de duo de clowns révélateur d'un vrai génie comique.
Rémy Oppert en propose une réussie et passionnante transposition théâtrale dans laquelle, sourcils broussailleux froncés à l'envie, lippe goguenarde et verbe haut, il campe avec panache Céline dans son personnage autofictionnel d'auteur vindicatif et de clown violent sans verser dans le mimétisme gestuel ou vocal.
En Auguste timoré tiré à quatre épingles, Jack Gallon incarne de manière désopilante l'interviewer volontaire désigné d'office, qui n'est pas un candide suscitant la bienveillance didactique mais un imbécile, le "con" de Michel Audiard, n'hésitant pas à se rebiffer.
Quand un rogue et un roquet se rencontrent dans la quiétude d'un square évoqué par une plaque, quelques chaises et une guirlande de verdure, cela donne une épatante et irrésistible comédie. |