Manhattan
(Rough Trade Records / Beggars) octobre 2015
Né à New York et ayant grandi dans le Lower East Side, sur l’île de Manhattan, Jeffrey Lewis est un pur produit de la Big Apple : fan de comics, maniaque de vinyles et amoureux de sa ville et de son quartier.
Quand on lui parle musique, il répond Lou Reed et Daniel Johnston, et puis il nous montre ses éditions originales de 33 tours des Fugs et des Golden Dawn, qu’il a récupérées dans un vide-grenier, à deux pas de chez lui. Son petit plaisir, c’est de renifler ses disques à chaque fois qu’il les sort de leur pochette plastique, comme s’il s’agissait de cigares cubains. Quand on lui parle comics, il répond Alan Moore, Daniel Clowes et embraye sur son personnage fétiche : le robot ROM, obscur protagoniste d’une série de comics éponyme dont presque tout le monde a oublié l’existence sauf lui. Lui qui s’imaginait d’ailleurs plus en auteur-dessinateur (FUFF, son comics à lui, en est au numéro 10) qu’en musicien…
Cet adepte du Do It Yourself est pourtant devenu dans les années 90 une des figures du mouvement anti-folk, aux côtés des Moldy Peaches, en participant aux sessions Open-mics de cafés Newyorkais, notamment le Sidewalk Cafe, dans lesquels il va, encore aujourd’hui, mettre à l’épreuve du public ses nouveaux morceaux.
Il est signé depuis 2001 sur le label Rough Trade. La chanson "The Chelsea Hotel Oral Sex Song", sur son premier album The Last Time I Did Acid I Went Insane, résume à elle seule le talent de songwriter du bonhomme. Allez lire les paroles ici.
Aujourd’hui, il sort l’album Manhattan, petit bijou à mettre dans toutes les oreilles. Jeffrey Lewis nous avait habitués à des disques à la production minimale, enregistrés rapidement. Pour ce disque, on sent qu’il a pris plus de temps, les arrangements sont somptueux, le son parfait, ce qui n’enlève rien à la fragilité et au mordant des morceaux. Bien au contraire : le style nonchalant, la voix nasillarde et la beauté des textes sont sublimés dans cet écrin voluptueux de rock indé 4 étoiles.
Quelques ambiances sonores, des chœurs féminins, une batterie qui sait se faire discrète ou volontaire selon les titres, un petit clavier hypnotique, des guitares saturées à outrance ou bien acoustiques, Jeffrey Lewis s’autorise tout pour notre plus grand bonheur. Un plaisir similaire, en ce qui me concerne, au grand album Lost and Found de Daniel Johnston. C’est dire.
Coup de coeur pour la piste 2, "Thunderstorm", que je vais de ce pas ré-écouter en boucle en mangeant des Bagels au pastrami et en relisant les Strange que m’a laissés mon oncle.