Comédie dramatique d’après le récit éponyme de Emmanuel Carrère, mise en scène de Frédéric Cherboeuf, avec Vincent Berger, Fréderic Cherboeuf, Jean De Pange, Gretel Delattre, Alexandrine Serre, Maryse Ravera et Camille Blouet.
L'adaptation scénique par Frédéric Cherboeuf et Vincent Berger du roman-récit "L'Adversaire" que le romancier Emmanuel Carrère a consacré au décryptage d'un fait divers retentissant au début des années 1990, s'avère intéressante par le questionnement induit par l'angle d'approche et d'analyse du comportement meurtrier de Jean-Claude Romand surnommé "le mythomane meurtrier".
Pendant près de vingt ans ce dernier a soutenu une imposture faisant croire à ses proches qu'il était médecin-chercheur auprès de l'OMS à Genève, au demeurant non pour mener une double vie, mais pour vivre dans l'oisiveté et la vacuité, en finançant son train de vie par des abus de confiance et escroqueries commises auprès de ses proches.
Au tarissement de ces "subsides", il assassine femme, enfants et parents et au cours de son emprisonnement, ce grand criminel agnostique emprunte le chemin de la rédemption mystique par la voie de la conversion. Sans doute en encore une imposture.
La compassion ne va pas vers les victimes mais vers le coupable qui devient l'unique centre d'attention et de sympathie compréhensive. Car il ne serait pas un pervers narcissique qui, face à l'effondrement de son imposture, privilégie sa survie en éliminant, non de manière pulsionnelle et psychotique mais méthodique et préméditée, ceux qui y ont cru et lui ont renvoyé une image positive.
Mais un homme ordinaire et normal qui a succombé au coup de boutoir du mal, l'adversaire, le Satan de la Bible qui, au terme du le thème mythique du double obscur et du manichéisme judéo-chrétien, siège dans l'âme humaine.
Mise en scène par Frédéric Cherboeuf, la partition qui adopte une forme séquentielle calquée sur celle des docu-fictions télévisées traitant des affaires criminelles avec une combinaison de témoignages, récits et scènes dialoguées, met l'accent sur deux intéressantes thématiques qui peuvent faire débat et lui donne donc une dimension politique.
D'une part, la fascination-répulsion éprouvée par le romancier au point de d'altérer l'indispensable distanciation critique qui est interprété par Vincent Berger incarnant également, et de manière crédible et efficace, le criminel.
D'autre part, la translation de la déviance et de la pathologie mentale mais vers le mystère du mal et la dimension spirituelle de la conscience et son éventuelle conséquence sur le champ pénal des circonstances atténuantes. |