Réalisé par Thomas Lilti. France. Comédie dramatique. 1h42 (Sortie le 23 mars 2016). Avec François Cluzet, Marianne Denicourt, Isabelle Sadoyan, Félix Moati, Christophe Odent, Patrick Descamps, Guy Faucher et Margaux Fabre.

Après le succès d' "Hippocrate", on attendait au tournant cinématographique le docteur Thomas Lilti.

Ceux qui avaient aimé l'efficacité de son cinéma sociologique, et salué le retour avec lui du film à sujet qui a fait jadis les belles heures des "Dossiers de l'Écran", se demandaient s'il allait pouvoir poser sur l'écran une nouveau problème médical.

Pas la peine de créer un faux suspense : la réponse est "oui" et elle signifie que, désormais, tous les ans, une question sur le système de santé à la française sera abordé à l'écran par Doc Lilti.

Dans "Médecin de Campagne", tout est dans le titre et l'on sait immédiatement gré à l'ancien généraliste de quitter les autoroutes pleines de "grands patrons" et de "pontifes" pré-nobélisables pour rejoindre les petits chemins du désert médical empruntés par le bon vieux médecin de famille agricole.

C'est François Cluzet qui s'y colle avec d'autant plus de conviction qu'il sent qu'il trouve enfin là un rôle emblématique pour continuer à tenir son rang entre Vincent Lindon et Daniel Auteuil.

Atteint d'un cancer, son personnage a besoin d'une aide, voire d'une remplaçant si ses métastases ne se calment pas. Elle survient miraculeusement sous les traits de la quarantaine radieuse de Marianne Denicourt, d'autant plus radieuse qu'elle joue gros pour son avenir et pourrait être la compagne idéale de tous les acteurs vieillissants comme Fabrice Luchini et tous les pré-cités.

"Médecin de campagne" de Thomas Lilti est, on l'aura peut-être trop compris, un film de terrain, de constat, de témoignage. En suivant la tournée conjointe de François et Marianne, on aura une revue de détail presque exhaustif de tous les maux dont souffrent les Français vivant sur des territoires ruraux et une belle revue des effectifs des intermittents du spectacle.

Mais, attention : Thomas Lilti n'est pas un avatar sur grand écran des téléastes "France 3 Régions". Il sait que pour montrer le quotidien il faut le truffer d'éléments apparemment incongrus mais qui prouvent qu'il connaît mieux son sujet qu'un besogneux scénariste travaillant pour France Télévision. Ce sera, par exemple, l'objet des scènes "country" où l'on voit une réalité saisissante des campagnes françaises d'aujourd'hui : la généralisation de la pratique des danses de "cowboys".

Mine de rien, Thomas Lilti ausculte sans ennuyer la ruralité. Entre repli identitaire et acculturation, entre qualité de la vie et mal de vivre, il examine les pathologies des uns et des autres sans chercher à donner des leçon dans sa prescription.

Plan plan sans doute, il offre pourtant de beaux moments à ses spectateurs. Certes, on aimerait vivre quelque part en France où l'on pourrait être soigné aussi bien par des as du diagnostic comme François Cluzet, mais ce pays rêvé convient parfaitement pour éviter de trop coller au "réel".

Car "Médecin de campagne" de Thomas Lilti a d'autres ambitions. Il cherche visiblement à reprendre la clientèle de Claude Sautet plutôt que celle de Raymond Depardon.

Et, bonne nouvelle, il prend la "Carte Vitale" !