Je ne suis pas chroniqueur musical : je travaille dans une compagnie financière. Une activité socialement utile, mais éminemment stressante, dévastatrice même à certains moments. Il y a une vingtaine d’années, les entreprises étaient dirigées par des entrepreneurs qui avaient pour l’ambition de bâtir quelque chose.
Désormais, elles sont dirigées par des financiers qui passent en coup de vent, des hommes dont l’unique moteur est le profit. Même s'ils essaient de faire croire le contraire, il n’y a plus ou très peu de place pour l’humain. Un véritable désert, pas un désert de sable, un désert de chiffres, un désert où on s’adresse à son voisin de bureau par mail, un désert où les réunions se font en visioconférence alors qu’il suffirait de descendre un étage pour rencontrer l’autre.
Paris-Désert, c’est aussi le titre du futur titre EP de Demi Mondaine.
Mes propos sur l’entreprise pourrait aussi valoir pour l’industrie musicale qui produit du propre, de l’aseptisé, du jetable, du sucré, de l’écœurant, du bonbon en gélatine pour les oreilles.
Demi Mondaine, c’est l’inverse de cela. Leur musique est de chair et de sang, de sexe et de passion, de larmes et de révolte. C’est une musique que l’on reçoit en pleine face ; des titres capables de nous faire danser des heures, ivres de bonheur, suant, bondissant chantant, beuglant ! De quoi oublier qu’on est un quinqua vieillissant et sentir l’adolescent en plein émoi renaître en soi (clin d’œil à un chroniqueur "concurrent" qui m’a ainsi tiré le portrait).
Foi "d’ancien combattant du punk", en live, je n’avais pas ressenti de plaisir aussi physique depuis les concerts de Killing Joke, Pixies, Noir Désir ou New Model Army. Demi Mondaine est fan de Parabellum et ça se sent. Un concert de Demi Mondaine est une expérience de transe collective euphorisante. Monsieur Iggy Pop ne s’y est pas trompé, lui qui leur a fait don d’un inédit : "Private Parts" sur l’album Aether.
Demi Mondaine, c’est aussi la sensualité sauvage de sa chanteuse. Une femme sincère, instinctive, paradoxale, attachante. Telle une divinité païenne ou un fauve, elle danse presque nue sur la scène de la Boule Noire et du Cirque Electrique, à la limite de l’exhibition mais sans jamais choquer ; belle, simplement belle ! Parallèlement, elle écrit "Garde-Fou", une chanson féministe, véritable uppercut anti-machisme. Enfin au sein de Colour Book, son autre formation, elle va à la rencontre de lycéens, parce qu’à l’école, elle aurait aimé bénéficier de ce type de rencontres. Une belle âme !
Aether est à mon goût le meilleur album rock produit en 2014 ; une mine de pépites : "Jour Blanc", "Paris sous la neige", "Garde-Fou", "Intempérance". De grands titres rock avec des textes qui ont parfois comme un parfum de Brel. Ce disque est sorti grâce au soutien des internautes.
Paris-Désert, le EP à venir, se fera sans le soutien de l’Industrie Musicale. Je vous invite à en découvrir "Enchanteur", le premier extrait et si possible à en soutenir la sortie.
Dire qu’il s’agit là d’un geste de résistance serait sans doute caricatural. C’est toutefois un beau geste, une jolie façon de dire merci à un des groupes les plus fantasques, les plus généreux et les plus humains de la scène hexagonale.