Voilà presque dix ans que Laura Gibson promène sa folk classieuse dans le paysage musical. Empire Builder, son quatrième album (et second chez Barsuk) porte les stigmates des épreuves traversées par la chanteuse depuis 2014 (déménagement radical de Portland à New York, un pied cassé la contraignant à rester cloîtrée de longues semaines dans son appartement puis le coup de grâce avec l’explosion au gaz de son immeuble, la laissant saine et sauve mais orpheline de ses textes, notes et instruments).
Un mal pour un bien, l’obligeant à repartir de zéro et à se reconstruire avec le soutien de ses proches et de ses fans ; mais le résultat est là : un album touchant et personnel, porté par des contributions de qualité (la liste est longue : Alela Diane, Dan Hunt le batteur de Neko Case, Dave Depper, guitariste et bassiste de Death Cab for Cutie et Menomena, Nate Query des Decemberists…).
"The Cause" ouvre le bal : percussions martiales, violon anxiogène contrastant avec la voix chaude de la chanteuse. Les bases sont posées.
La très jolie ballade "Damn Sure" assure la transition et frôle l’exercice de style avec ses guitares feutrées, un piano tout en retenue et des chœurs de gospel au service des vocalises aériennes de Laura Gibson.
Le temps s’arrête sur "Empire Builder" ; le timbre singulier de la chanteuse fait des merveilles et nous rassure en nous répétant "You are not alone" ; l’inverse est aussi vrai, tant on est prêt à la suivre et l’écouter encore longtemps.
Le rythme ralentit encore, l'esprit vagabonde et se perd un peu sur les titres suivants, agréables mais sans réelle surprise (à l’image de l'ampoulée "The Search for Dark Lake", moins convaincante). Avant que l'entraînant "Two Kids" et sa résonance folk nous sorte de notre torpeur pour attaquer un final brillant (le majestueux "Caldera" et un "Last One" qui fleure bon la mélancolie).
En résumé, la voix cassée et envoûtante de Laura Gibson produit toujours son petit effet sur la longueur de ces dix titres à la production léchée.
L'album ne prend certes pas le risque de dévier des sentiers (re)battus, déjà bien occupés par ses compatriotes mais c'est avec bonheur que l'on se laisse envelopper dans cette ambiance familière et délicate, réchauffée par des cordes omniprésentes. Une belle réussite, de quoi patienter sans bouder son plaisir, en attendant le prochain Emily Jane White.