Réalisé par Claudio Caligari. Italie. Drame. 1h40 (Sortie le 11 mai 2016). Avec Luca Marinelli, Alessandro Borgh, Silvia D'Amico, Roberta Mattei, Alessandro Bernardini, Valentino Campitelli, Danilo Cappanelli et Manuel Rulli.
Par une curieuse ironie du sort, "Mauvaise Graine" ("Non essere cattivo3) de Claudio Caligari sortira alors que débutera le Festival de Cannes. On aurait aimé qu'il bénéficie d'une plus belle fenêtre d'exposition, surtout pour qu'on puisse parler de son réalisateur, décédé après le tournage, en mai 2015.
Au moment où les grands noms routiniers grimperont les marches de la vaine gloire cannoise, on aura une pensée pour cet homme exigeant, ce franc-tireur transalpin dont l'oeuvre va hélas se résumer à seulement trois films. Nul doute qu'ils seront bientôt dans un coffret avec les divers travaux de Claudio Caligari. Un jour, peut-être, une section d'un grand festival portera son nom...
Tel est le lot cruel habituel de ce "7ème art" où peu de ses serviteurs montent au "7ème ciel"
Reste donc ses films et surtout ce "nouveau", "Mauvaise graine" qui, sur un ton apparemment mineur, fait bloc avec les deux autres. Encore une fois, Claudio Caligari s'inscrit dans la descendance du Pasolini romain, celui d' "Accatone" ou de "Mamma Roma".
On est en 1995. Ses héros, petits marginaux pas très brillants, enveloppés dans les vapeurs d'alcool et les effets chimiques des produits toxiques qui n'étaient qu'embryonnaires à l'époque pasolinienne, sont les héritiers encore plus perdus de ceux qui peuplaient l'univers du grand poète-cinéaste.
Claudio Caligari raconte leurs virées inutiles, leurs soirées toujours catastrophiques, dans une banlieue romaine désormais sans avenir où, à l'inverse des années 1960, on aura du mal à trouver des choses en construction. Les voitures volées sont peut-être plus belles qu'à cette époque, mais quand Vittorio et Cesare les font rouler à fond la caisse, le nez chargé, elles filent vers un monde déglingué, sordide.
Le seul viatique à ce destin inexorable qui n'a qu'une mort idiote pour terme ou des années de placard pour horizon, s'appelle toujours du même nom : l'amour.
Mais, évidemment, il n'est pas égalitairement distribué et s'il frappe l'un il ne frappera pas l'autre... Et puis, pour en revenir au destin, il aime aussi jouer de sales tours à ceux qui s'aiment, surtout quand il est guidé par un habile scénariste.
"Mauvaise graine" de Claudio Caligari, on en fait le pari, est de cette trempe de films qui prennent du relief au fil du temps. Ce qui va paraître à certains comme une simple histoire mélodramatique, aura force future de tragédie grecque.
Servi par deux comédiens prometteurs de la jeune génération italienne, Luca Marinelli - que l'on a déjà vu chez Paolo Sorrentino et Paolo Virzi - et Alessandro Borghi, "Mauvaise Graine" de Claudio Caligari est un film fort à la fin simple et saisissante.
Il vaut mieux que tous les films bavards qui vont s'entrechoquer dans le brouhaha cannois. |