Jour 3 – Trois couleurs : bleu
Alors que le Malsaucy a préparé une fanzone impatiente d'être envahie de festivaliers-supporters tous azimuts, je ne retiens aujourd'hui d'une couleur dans notre triade patriote : le bleu. Bleu du ciel, bleu du cœur, de l'humeur, primaire et royal. Si le premier jour nous a fait quelques secondes douter, ce dernier (déjà !) nous apprend à profiter. On choisit l'option farniente au bar du Boulot, puis l'option frites chez Alfred's Burger (seul stand sur la totalité du site à avoir dit oui pour me servir avant 16h...), on déambule dans un site aussi désert qu'agité, et, l'heure venue, on file voir Blossoms.
Présenté comme un groupe à suivre de près par les Inrocks, on s'étonne un peu de la mollesse de la prestation et du côté convenu (je n'ose écrire gnan-gnan) des mélodies plus pop que rock. Un peu déçue.
Heureusement, on enchaîne avec le merveilleux Frank Carter and The Rattlesnakes qui tient un morceau avant de traverser la fosse et de grimper dans le public. On pourrait gloser sur son costard et ses tatouages, si on n'avait que ça à dire, mais on préfère se centrer sur l'important : la variété époustouflante des tonalités, le naturel merveilleux du leader, la triple descente dans le public (leader et guitariste, s'il vous plaît), l'explication du circle pit (quand les festivaliers font un wall of death), et surtout la claque à mi-course avec cette chanson hommage qui a définitivement placé Frank Carter dans mon top 3 de la journée.
Pour le fun, on passe voir Action Bronson et son regard East Coast, parce que la réputation du monsieur n'est plus à faire et que son hip-hop est, excusez du peu qu'on n'est pas spécialiste, tout à fait écoutable et appréciable.
Mac deMarco : comme quoi l'habit ne fait pas le moine, surtout quand il vient du Canada. D'un côté, look loufoque, décalé et plutôt "Deschiens", de l'autre "The Way you'd love her", tube qui ouvre le set avec beaucoup d'ondulations positives. Amis et techniciens sont sur la scène, à l'ancienne, pour intimiser le tout et briser, un peu, ce quatrième mur de sable – parce que deMarco fera monter, tout au long du concert, des fans issus du public, "thanks guy, I love you", lui lance un invité ravi. Tout est très détendu et très planant, et d'une facilité déconcertante pour deMarco et ces musiciens, qui alternent masques de sérieux sur une love song tristounette et jeux potaches sur des riffs de ZZTop – la tête d'affiche du jour – sur scène. On s'amuse à voir que Mac deMarco et son équipe semblent avoir davantage envie de sourire béatement en regardant leur public, de boire ou fumer, de bavarder tranquillement, que de jouer de la musique en regard de la longueur des pauses entre les morceaux... Bref : on passe un excellent moment indie rock, entre "The Stars keep on calling my name", "Another one", les discussions... débridées, entre le bassiste et les groupies du premier rang, et les facéties de guitaristes qui réussissent à jouer un morceau entier guitare sur la nuque.
The Kills : ça fait bien longtemps qu'on attendait ça. Une pépite blonde, brute, nerveuse comme un lion en cage, souple comme un roseau dansant, et un joyau souriant avec guitare pour tout attribut divin. "URA fever", "Kissy kissy", "Heart of a dog" : on ne verra pas tout le concert, on pourra lui reprocher quelques rugosités, mais on se gorgera, avant de repartir dans nos pénates, de l'énergie incroyable du duo.
Encore une trèèèèès belle édition des Eurockéennes. Une de mes meilleures, même. Niveau musique, ambiance entre photographes et climat, on peut difficilement rêver mieux. Du coup, je pense avec une once de sympathique pitié à tous ceux qui ont cru qu'une programmation avec moult têtes d'affiches supra-internationales pouvait seule être garante d'un festival réussi, oubliant que l'alchimie vient parfois d'ailleurs – c'est-à-dire d'on-ne-sait-où. On remet les compteurs à zéro (en attendant déjà l'an prochain), on époussette le sac photo encore plein de la terre belfortaine, et on se dit que cette année, il y a avait bien le mot "rock" dans Eurockéennes.
|