Réalisé par Mauricio Cuervo. Colombie. Drame. 1h25 (Sortie le 14 septembre 2016). Avec Victor Hugo Morant, Jimmy Vasquez, Claudia Aguirre, Juan Carlos Ortega et Ángel Vásquez Aguirre.
Pas de cartels de la drogue, pas de guérilla et de para-militaires, pas d'enfants démunis dans l'enfer de Bogota. Pas non plus de référence au baroque épique sud-américain à la sauce Gabriel Garcia Marquez.
Décidément, "Chronique d'une vie" de Mauricio Cuervo n'a aucun des atouts habituels du cinéma colombien. Et son réalisateur a bien raison de ne pas les utiliser, car son film intitulé plus justement en espagnol "Cronica del fin del mundo" (Chronique de la fin du monde) est un film qui se savoure dans sa théâtralité évidente et revendiquée.
Ici, donc, pas d'événements majeurs et une action qui se limite à composer des numéros de téléphone, à aller prendre un verre avec un copain inintéressant ou à vivre sa crise de couple parce que l'enfant est apparu.
Ici, tout le monde est enfermé, en vase-clos, et le monde extérieur n'est qu'une idée obscure simulée par des lumières de la ville qu'on perçoit floues entre jaune et rouge. Il faut dire que Pablo Bernal (joué par l'admirable Victor Hugo Morant) vit enfermé chez lui depuis que sa femme est morte dans un attentat en plein Bogota vingt ans auparavant.
Le voilà, maintenant, persuadé que la fin du monde est proche et prêt à libérer sa parole contenue depuis la tragédie. Tout ce qu'il n'a jamais osé dire, il s'apprête à le déverser au téléphone...
Mais ce qui n'aurait pu être qu'un excellent défouloir sans conséquence se retourne contre lui : l'un de ses correspondants le menace de rétorsions... Lui qui ne pensait qu'à mourir dans une fin du monde bien venue se surprend maintenant à vouloir survivre à tout prix et craint les menaces répétées de son ennemi invisible...
Dans "Chronique d'une vie" de Mauricio Cuervo, les choses ne sont jamais acquises. Ce que l'on voyait comme une aimable plaisanterie propice à gags téléphoniques, se transforme en une description de la paranoïa, en une réflexion sur la solitude urbaine.
Équilibré subtilement entre parole et silence, dits et non-dits, le film de Mauricio Cuervo fait partager la vie des Bernal père et fils. Il ménage même une grande surprise et ne méprise jamais ces petites vies qui ont l'avantage de ressembler à toutes les autres.
"Chronique d'une vie" de Mauricio Cuervo n'appelle pas plus de commentaires que n'en font ses personnages pas toujours loquaces. C'est un film dans lequel on se sent bien, un point c'est tout. Dès qu'il commence, on le regarde instantanément sans arrière-pensées car personne n'y est jugé. Le quotidien banal qu'il décrit n'est pas condamné pour médiocrité. Qu'on affronte ou fuit la réalité, peu importe : l'essentiel est qu'il y ait une chronique à tenir, quelque chose à raconter et un peu de vie, voire d'amour, à partager. |