Comédie de Jacques Attali, mise en scène de Christophe Barbier, avec Jean Alibert, Marianne Basler et Xavier Gallais. Si ce n'était que parce qu'elle rend hommage plusieurs fois à la belle personne qu'était Robert Lynen, enfant "star" du cinéma français qui fut un merveilleux "Poil de Carotte" face à Harry Baur dans le film de Julien Duvivier, et que les nazis supplicièrent abominablement pour faits de résistance, la pièce de Jacques Attali, "Présents parallèles" serait déjà utile.
Que les amateurs de second degré prêts à se "payer" le duo Penthiobarbital le sachent tout de suite : il n'y a pas d'effet "BHL" à attendre de cette "synchronie" théâtrale et "Présents parallèles" est bien une œuvre qui a sa légitimité sur scène. Bien entendu, on ne refait pas Jacques Attili.
On sait qu'il aime montrer son intelligence par une complexité de construction qui est une de ses marques de fabrique et il faudra être en permanence sur ses gardes : les mises en abyme seront le lot commun de "Présents parallèles". Cela en sera aussi le charme.
Trois acteurs, donc, jouant trois acteurs en train de jouer trois acteurs et plus si affinités... Ce "plus" étant ses temps parallèles où, comme dans "Le Maître du Haut-Château" de Philip K. Dick, chef d'oeuve du genre "uchronique", Attali imagine la victoire des nazis... et l'existence de quelqu'un qui écrit que les nazis n'ont pas gagné la guerre, et invente, en quelque sorte, et à quelques détails près, notre réalité "objective". Sauf que le dramaturge laisse supposer que son uchronie a été écrite comme un acte de résistance au moment où l'Occupation se déroulait.
Qu'on ne s'inquiète pas trop, grâce aux trois formidables acteurs choisis, capables tour à tour de jouer, de surjouer, de se parodier ou d'émouvoir, et grâce à la mise en scène attentionnée de Christophe Barbier, la cérébralité attalienne ne posera aucun problème de compréhension.
Il y aura moult coups de théâtre et beaucoup à jouer pour Xavier Gallais, Marianne Basler et Jean Allibert. Tout commence par une vidéo rétro-futuriste amusante où l'on imagine qu'en 2016, les Parisiens rouleront, ou plutôt voleront, en Luftwagen et s'achève dans une boucle temporelle, pirouette sardonique pour retomber sur les pieds après un atterrissage mouvementé...
Si l'on marche à cet exercice méta-fictionnel, on prendra grand plaisir, à ce théâtre que ne désavourait pas un Eric-Emmanuel Schmitt. Et, surtout, on ne se laissera pas duper par l'apparence "cynisme" des propos tenus.
Car, en évoquant qu'on l'a dit le beau nom de Robert Lynen ou celui, non moins honorable de Marc Bloch, Jacques Attali montre qu'il ne souscrit pas au "tout égale tout" auquel ses personnages feignent parfois de se soumettre. Il ne passe par pertes et profits ce qui s'est passé hier face à ce qui se passe aujourd'hui.
Peut-être que "Présents parallèles", où le directeur du théâtre prévient que les gens ne veulent plus que rire, cache, derrière l'uchronie, l'amère désillusion d'un homme qui, jeune, a cru qu'on pouvait gaiement change la vie. Mais, sans doute, s'il y a, comme il est dit dans la pièce, plusieurs présents possibles, "Présents parallèles" cherche à trouver la porte de celui où l'utopie reste possible sans être meurtrière... |