Pièce chorégraphique conçue par Tiago Rodrigues d'après l'oeuvre éponyme de William Shakespeare William, interprétée par Sofia Dias et Vítor Roriz.
Avant l'arrivée du duo titre, il n'y a sur scène qu'un grand mobile à la Calder, un fond colorié bleu, qui virera au jaune pendant le spectacle, et un électrophone. Posé sur un meuble, il passe la somptueuse musique composée par Alex North pour le film "Cléopâtre"de Joseph L. Mankiewicz, explicitement cité parce que la pochette du disque est exposée juste en-dessous du tourne-disque. Est-ce à dire que cette version minimale du drame de Shakespeare va être à sa façon une super-production hollywoodienne ? Les réponses dépendront de la manière dont on aura reçu le spectacle. Si l'on accepte qu' "Antoine et Cléopâtre" de Shakespeare se résume à des propositions "sujet-verbe-complément", souvent répétées, que les acteurs, bras tendus en avant simulent des caméras en action pendant qu'ils parcourent la scène, on pourra effectivement accepter la parenté avec Joseph L. Mankiewciz. En revanche, si on trouve que Tiago Rodrigues est dans le procédé et qu'il n'en sort pas grand-chose question épopée et guère plus sur le plan émotion, on sera surpris de la réputation d'une version au formalisme envahissant et vain. Au début, par exemple, c'est Sofia Dias qui porte la parole du général romain et Vitor Roriz qui est chargé de celle de la reine d'Égypte. Et puis, les choses rentrent dans l'ordre des genres attendu, avec en point d'orgue un morceau de bravoure où les deux paroles hésitent, se heurtent, se brouillent et s'embrouillent, comme pour confirmer le lieu commun selon lequel les mots accouchent de l'histoire. Mais en réduisant Shakespeare à un texte "pitché", très didactique avec ses éternelles répétitions, Tiago Rodrigues est dans l'illustration, dans le beau livre d'images, voire dans le roman photo, qui se suit sans déplaisir grâce au jeu de ses deux acteurs. Manque pourtant la réflexion sur le pouvoir et sur ce cas unique fourni par ce couple mythique, où pour une fois dans l'Histoire, une femme tient la réalité du pouvoir. Dès lors, ce que propose Tiago Rodrigues, en laissant à penser que la passion de Cléopâtre pour Antoine l'a aveuglée dans ses choix politiques, peut se lire comme une régression machiste, même par rapport à la Cléopâtre glamour hollywoodienne, qui, elle, se mettait en scène pour séduire les Romains et, ainsi, tenter de conserver son royaume face à un Empire bien plus puissant que l'Egypte des Ptolémées. Reste que si l'on accepte que le texte ne soit qu'un prétexte, la parade amoureuse entre Sofia Dias et Vitor Roriz est assez envoûtante. On soulignera aussi qu'ils jouent dans un français parfait, à la manière des tg STAN, dont le travail a sans doute inspiré Tiago Rodrigues. |