Spectacle-cabaret conçu et mis en scène par Serge Bagdassarian, avec Véronique Vella, Michel Favory, Serge Bagdassarian et Benjamin Lavernhe accompagnés par les musiciens Benoît Urbain (en alternance Thierry Boulanger) et Olivier Moret.
Après des cabarets monographiques ("Cabaret Barbara", "Cabaret Brassens", "Cabaret Boris Vian), la Comédie française propose, à l'initiative de son directeur Eric Ruff, "L'Interlope (cabaret)", un cabaret thématique sur l'homosexualité conçu et mis en scène par Serge Bagdassarian.
Abordant le sujet par le biais du cabaret de travestis en sa période d'âge d'or des Années folles et sa déclinaison "select", ce dernier a élaboré un spectacle intelligent, sensible et singulier.
En effet, il opte pour une forme intime, quatre comédiens pour quatre personnages avec une adéquation personnalisée des chansons interprétées, emprunte ainsi au registre du théâtre musical décliné de manière interactive et puise dans un répertoire plus large que celui souvent fantaisiste et grivois, voire paillard, attaché aux sexualités ostracisées dont un court, et édifiant, aperçu est donné en intermède.
Ainsi, de l'envers du décor, avec l'immersion dans les coulisses, et plus précisément la loge vintage avec son dévoilement des personnes avant d'arborer le masque de la créature, aux paillettes de la scène avec lourd rideau de velours encadré d'une arche lumineuse, signés Eric Dumas, sont racontées des histoires intimes et néanmoins archétypales.
Le spectacle se déroule sous la houlette de la propriétaire du lieu, fille de bonne famille à particule qui a "mal tourné" en femme garçonne au caractère bien trempé, superbement campée par Véronique Vella, pétulante maîtresse de cérémonie en frac et chapeau claque, naviguant avec talent et aisance entre humour caustique et émotion.
Et il met en scène trois générations d'artistes transformistes dans de superbes costumes confectionnés par Siegrid Petit-Imbert dont certains en collaboration avec les artisans du Moulin Rouge.
Emperruqués, emplumés et strassifiés, par ordre d'apparition : Tristan, le doyen, gentleman aux amours manqués, incarné par Michel Favory qui a conservé sa barbe, Camille, la "divine" sur le retour avec ses "30 ans de boutique", cantonnée sujet principal sans jamais avoir pu devenir meneuse de revue, à laquelle, en rousse incendiaire, Serge Bagdassarian, aux rondeurs envolées, apporte une roborative autodérision et une magnifique gestuelle, et le jeune Pierre, bisexuel marié et père de famille qui rêve de cinéma, avec l'étonnante composition de Benoît Lavernhe méconnaissable en Luna Météor.
Sortant donc des sentiers battus, la play-list combine le répertoire des années 1930, avec notamment ceux de Suzy Solidor et l'érotisme lesbien et de Reda Caire pour les amours furtives, d'inattendus détournements et des mises en résonance inattendues telle celle entre un sonnet de Shakespeare et un poème de Jean Genet.
Egalement des créations originales avec une judicieuse mise en musique de Benoît Urbain, compositeur de tous les arrangements, qui, au piano, accompagne les comédiens avec Olivier Moret à la contrebasse, eux-mêmes travestis mais en dames patronnesses.
La partition ne verse ni dans la caricature ni dans la bien-pensance et supervisée par Serge Bagdassarian, l'interprétation, en solo ou de manière chorale, s'avère au cordeau. Mission accomplie. |