Monologues dramatiques écrits par de Alan Bennett et interprétés par Roxane Turmel dans une mise en scène par Diane de la Croix.
Le seul reproche que l"on peut faire à cette version tonique de "Talking Heads" est de ne faire monologuer que trois des sept personnages féminins imaginés par Alan Bennett et adaptés en français par Jean-Marie Besset sous le joli titre de "Moulins à paroles". Ce n"est pas tous les jours que l"on souhaite qu"un spectacle soit plus long. C"est le cas de la proposition joyeuse et ludique interprétée par Roxane Trumel et mise en scène par Diane de La Croix. Dès son entrée sur le plateau, on comprend que Roxane Trumel fait partie de ses comédiens qu'on adopte immédiatement, et peut-être pour longtemps. Qu"elle soit Leslie, la jeune bimbo prête à tout pour réussir dans le cinéma, Rosemary, la jardinière qui a la main verte et l"âme noire ou Suzanne, la femme de pasteur frustrée et alcoolique prête pour une mue inattendue, elle impose son jeu jamais caricatural, mais tout en plaisir de jouer les Frégoli féminines. Ainsi, sa Leslie n"est pas poussée à fond vers "la charmante et totale idiote" qu"elle aurait pu être. Roxane pose un regard tendre sur cette proie facile qui n"a peut-être pas dit son dernier mot. Comme elle sait rendre subtilement inquiétante l"histoire de la "charmante" Rosemary et son atmosphère de crime anglais, et très amusante les frasques post-chrétiennes de Suzanne. L'ordre de passage des trois femmes a l"avantage de montrer toutes les qualités de Roxane Trumel, au point qu"on pourrait douter qu"il s"agisse de la même actrice qui joue Leslie et Suzanne Dans chacun des monologues, le personnage change plusieurs fois de vêtements Pour ne pas casser le rythme, le décor de Steeve Petit, composé d"éléments mobiles, permet à l"actrice de se changer sans être vue sur la musique guillerette de Mathieu Serradell, qui apporte aussi sa note complice à l"ensemble. Ces changements, qui se font cette fois de profil, derrière un drap, en ombres chinoises comme dans les films de Michel Ocelot, quand Roxane se transforme en une autre anglaise, donnent un charme supplémentaire à ces "Moulins à paroles". On finit par les attendre car on sait qu'on sera toujours agréablement surpris par le résultat, voire par l"opération de transformation elle-même, petit "striptease" plus mutin que coquin. Cette version réussie des "Talking Heads" rappelle paradoxalement le travail qu"Alain Resnais avait accompli au cinéma avec "Smoking/ No Smoking", œuvre d"Alan Ayckbourn, dramaturge anglais de la même génération qu"Alan Bennett. Que Roxane Trumel et Diane de La Croix puissent être associées à cet immense réalisateur féru de théâtre montre l"intérêt de leur spectacle qu'il ne faut absolument pas manquer et qu"on a envie tout de suite envie de revoir. |