Spectacle conçu et mis en scène par Rabih Mroué, avec Lina Majdalanie.
L'auteur, metteur en scène et réalisateur libanais Rabih Mroué ne cesse de creuser le sillon des réalités socio-politiques du Liban moderne et la thématique de la représentation en tant que matérialisation, notamment à travers l'image, d'un concept, d'une idée ou d'un fait, et de ses frontières avec le réel et la réalité.
Avec "So little time", il livre une intéressante proposition fictionnelle sur les thèmes du temps, de la mémoire, de l'effacement du souvenir, de la guerre et de la figure du martyr, si présente dans le Moyen Orient contemporain, dont la vertu sacrificielle est récupérée par le pouvoir politique comme opérateur symbolique pour susciter une passion victimaire fédératrice.
Elle repose sur une histoire qui ressort à la fable tragi-comique, celle d'un martyr par deux fois ressuscité, Deeb Al Asmar, un étudiant libanais qui avait rejoint les rangs de l'OLP.
Son corps, rendu au Liban à la suite d'une tractation d'échange de prisonniers entre la Palestine et Israêl, a été considéré comme celui du premier martyr libanais et l'icône de la résistance au sionisme et une statue commémorative a été érigé à Beyrouth sur une place devenue la Place du martyr Deeb et la plaque tournante de toute la vie beyrouthine. Jusqu'au jour où il réapparaît bien vivant.
Dans une scénographie minimaliste de Samar Maakroun, deux tableaux-écrans et une table, le récit est porté par la comédienne Lina Majdalanie officie de manière distanciée comme un narrateur objectif ou un commentateur de documentaire tout en immergeant des photos, qui ne sont pas celles du martyr, dans un bain diluant.
Tout disparaît, même la comédienne qui après sa sortie de scène ne reviendra pas pour les traditionnels saluts. Belle conclusion pour cette performance réflexive sur la temporalité, l'intime et le collectif et la trace qui plonge le spectateur dans la sidérante mélancolie tchekhovienne qui clôt "Les Trois soeurs". |