Réalisé par Jim Jarmush. Etats Unis. Coémdie dramatique. 1h58 (Sortie le 21 décembre 2016). Avec Adam Driver, Farahani Golshifteh, Kara Hayward, Trevor Parham, William Jackson Harper, Frank Harts, Barry Shabaka Henley et Jaden Michael.
La poésie est dans le quotidien et le quotidien est de la poésie. C'est la leçon que l'on pourra tirer de "Paterson" de Jim Jarmusch, l'oeuvre sans doute la plus aboutie du cinéaste de "Stranger than Paradise", à qui le "Cinema Galeries" de Bruxelles rend en ce moment un grand hommage.
On le savait rock'n'roll depuis qu'on pouvait, parmi d'autres, croiser Tom Waits ou Screamin' Jay Hawkins dans ses films ou qu'il pouvait rendre hommage à Elvis Presley dans "Mystery Train". On découvre ici ce qu'on entrevoyait dans toute sa filmographie : c'est un féru de poésie, et particulièrement d'un des plus grands poètes américains, William Carlos Williams.
"Paterson", avant d'être le nom d'Adam Driver dans le film, c'est d'abord une ville, justement la ville de William Carlos Williams. Adam Driver/Paterson a beau n'être qu'un chauffeur de bus conduisant le sempiternel même véhicule dans les mêmes sempiternelles rues sans beaucoup d'intérêt d'un quartier de Paterson, il est avant tout un poète avec sur lui un petit carnet où il inscrit les beaux textes qui vont, dans une belle typo manuscrite, s'inscrire en surimpression sur les images du film.
Pour compléter le dispositif de ce film volontairement répétitif pour que l'aléa qui change le quotidien prenne tout son sens, Adam Driver a une compagne qu'il laisse à la maison.
Une compagne, qui s'appelle Laura, comme la muse de Pétrarque et qu'on peut vraiment définir comme la muse du chauffeur de bus de Paterson. Elle aussi transcende le banal, l'anodin par la conception de cookies, formellement très beau, et la suite le prouvera, gastronomiquement excellent.
Golshifteh Farahani, pour son premier rôle américain, lui offre toute sa grâce fragile. Avec Adam Driver, elle forme un couple cohérent qui s'enthousiasme aux petits riens qui d'habitude irritent les duos américains. C'est le génie de Jim Jarmusch de toujours présenter une Amérique "ailleurs de tout", marginale certes mais sans avoir besoin de le clamer et sachant vivre dans le petit cocon qu'elle s'est formée sans bruits.
On a dit souvent Jarmusch minimaliste, mais son minimalisme est désormais confortablement meublée de belles choses. On en aura encore une preuve avec une fin admirable où la poésie de Williams Carlos Williams rencontre à jamais le cinéma de Jim Jarmusch.
"Paterson" de Jim Jarmusch apporte la preuve, si elle était nécessaire, que la poésie et le cinéma sont faits pour s'entendre. Ce film léger est admirable. |