Réalisé par Judith Abitbol. France. Documentaire. 1h49 (Sortie le 18 janvier 2017).
On avait beaucoup aimé "A bas bruit" de Judith Abitbol, film dans lequel Nathalie Richard lisait entièrement un scénario. Derrière ce qui pouvait paraître un exercice de style, se dessinait autre chose.
En voyant "Vivere", portrait lumineux d'Ede Bartolozzi vue par la cinéaste par l'entremise des yeux de sa fille Paola, on arrive mieux à définir cette autre chose : il y avait du cœur dans ce qui n'aurait pu être qu'un jeu seulement intellectuel.
Ce cœur, bien entendu, explose dans "Vivere". Pendant huit ans, Judith a filmé une mère et une fille qui s'aimaient tout simplement comme une mère et une fille peuvent s'aimer. Sans explication, sans justification. Par les liens secrets de leur vie commune après que l'une a quitté le ventre de l'autre.
"Vivere" de Judith Abitbol est un condensé de deux belles existences qui n'ont pas été séparées par les circonstances de la vie. Mieux qu'un témoignage, c'est un partage. Sans voyeurisme évidemment. Sans exaltation ni transcendance d'un quotidien qui est pourtant tout sauf minuscule.
Le film de Judith se savoure pour sa justesse. Jean-Luc Godard disait qu'il n'y avait pas d'images justes mais juste des images. Ici, on est ravi que des centaines d'heures filmées, la cinéaste et sa monteuse, Cyrielle Thélot, aient tiré ces 109 minutes qu'elles estiment dignes de cet amour entre Ede et Paola Bartozolli.
C'est beau l'amour, il n'y a vraiment rien de plus beau, surtout quand il a cette complicité pleine de gestes d'affection. Un tour dans le jardin, un collier autour du cou, la présence des voisins et des gens de la petite ville italienne de Modigliana, tout cela fait sens sans que cela n'aboutisse à l'éloge mesquin du petit bonheur et à l'oubli du monde qui tourne mal.
Pour l'anecdote, mais pas seulement, Judith saisit des propos off de Paola expliquant comment s'est transformée la région de Modligliana "grâce" aux technocrates de l'Union européenne.
Annie Ernaux, qui n'a pas eu - et loin de là - le même amour fusionnel avec sa mère que Paola avec Ede, a dit tout le bien qu'elle pensait de cet "hymne à la vie saisie dans la durée".
Avec un tel patronage, le message délicat de "Vivere" de Judith Abitbol prend encore plus de relief. Comme la grande écrivaine, chacun y trouvera des échos autobiographiques et pourra y résoudre d'inexprimées questions en suspens.
Ce beau cinéma de l'intime a en lui cette générosité qui permet de s'ouvrir aux autres. Le regard qu'il pose est un moment d'humanité plus nécessaire que jamais.
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