Réalisé par Andrea Arnold. Etats Unis/Grande Bretagne. Comédie dramatique. 2h43 (Sortie le 8 février 2017). Avec Sasha Lane, Shia LaBeouf, Riley Keough, Shawna Rae Moseley, Arielle Holmes, Crystal Ice, Veronica Ezell et Chad Cox.
Ça passe ou ça casse pour ce film de 163 minutes récompensé par le "Prix du Jury" au dernier festival de Cannes.
"American Honey" d'Andrea Arnold va irriter ou fasciner, certainement pas laisser indifférent. Si on l'a vu avant novembre 2016, on pourra dire qu'on sentait confusément qu'il annonçait quelque chose sur cette Amérique qu'il dissèque au gré des chemins de traverse que prennent des personnages qui ne cherchent jamais à attirer la sympathie du spectateur.
Si on le voit après l'élection de Trump, a fortiori ses premiers pas à la Maison Blanche, on admettra qu'il marque indéniablement un tournant, qu'il fixe sur la pellicule une ère nouvelle.
Dans ce premier vrai road-movie made in 21ème siècle, pas d'utopie, pas de fraternité, pas de fuite vers un ailleurs plein de promesses, mais un jour le jour totalement opaque, sinistre, autiste où l'on zigzague d'un nulle part à un autre sans exprimer aucune passion et pas beaucoup de désir.
Ces jeunes gens, qui doivent vendre des revues à des ploucs qui ne lisent pas, recrutés sur leur seule capacité à attirer la pitié, et qui constituent une espèce de secte informelle, que l'on rejoint par hasard et que l'on quitte d'une façon tout aussi aléatoire, traduisent une réalité américaine encore difficilement identifiable.
En voyant "American Honey" d'Andrea Arnold, on ressent la même fascination que l'on pouvait ressentir à la vision de "Spring breakers" d'Harmony Korine ou de "Fight Club" de David Fincher.
Film d'époque, sincère ou pas, porteur d'une vision ou d'une illusion, il fait comprendre un désespoir réel. Le personnage perdu de Sasha Lane qui rentre dans le jeu de cette secte nomade et qui se construit une nouvelle identité en cheminant est assez envoûtant.
Dans ce film qui prend le temps d'être long, on vivra un moment à ses côtés, sans trop savoir si la route qu'elle a parcouru va déterminer son existence ou n'être qu'un moment parmi d'autres. Tyrannie du quotidien, des plaisirs primaires, apologie de la bêtise d'un monde moche, dénué de toute transcendance, de toute métaphysique, "American Honey" d'Andrea Arnold est un pur constat, totalement trivial.
D'ordinaire, en rester au constat paraît antinomique avec l'art. Mais, ici, une telle impudence à ne rien montrer d'autre que la mesquinerie d'une vie de motel en motel, un porte-à-porte perpétuel, seulement ponctué de coups tordus sans envergure, fournit une œuvre majeure pour comprendre cette forme de barbarie molle qui gangrène toute la société.
S'il n'est pas dédaigné et et volontairement ignoré, le film d'Andrea Arnold devrait susciter l'intérêt des sociologues de l'Amérique profonde en tant que marqueur de son irrémédiable déclin et des cinéphiles parce qu'il offre à de nombreux jeunes comédiens l'occasion de se révéler.
"American Honey" d'Andrea Arnold est donc une curiosité dont il ne faut pas minimiser les enseignements. |