Spectacle conçu et mis en scène par Nicolas Truong, avec Nicolas Bouchaud et Judith Henry.
En 2013, "Projet Luciole", basé sur l'oralisation des grands textes philosophiques et ressortant au théâtre d'idées, l'essayiste et journaliste Nicolas Truong, proposait une roborative et ludique fantaisie théâtro-philosophique créée avec la collaboration artistique des comédiens Nicolas Bouchaud et Judith Henry et du dramaturge Thomas Pondevie.
Le quatuor reprend du service avec "Interview" qui en reprend les principes sur le mode de la déclinaison tant au fond, celui de la pratique de la maïeutique socratique, comme en la forme, celle du "jazz théâtral", résultant l'hybridation d'une trame théâtrale amendée par le jeu au plateau, et de l'assemblage séquentiel.
Le thème est celui de l'exercice journalistique polysémique de l'interwiew entendu non comme un épiphénomène de la société du spectacle, avec l'insondable vacuité de la représentation narcissique, ni comme un outil de manipulation des masses, mais comme un acte visant à "l'accouchement de la pensée" par l'établissement d'un rapport de communication verbale tel qu'il est pratiqué comme méthode d'enquête sociologique.
Quant à sa finalité, telle qu'elle résulte de la note d'intention, elle tient au traitement de l'art du questionnement, notamment à partir d'entretiens avec des interviewers célèbres, et vise à "raconter une histoire, de composer un récit, celui de l’acheminement vers la parole qui aboutit à l’urgence et à l’éloge du silence dans le monde du bavardage généralisé".
L'opus comporte un long préambule discursif clos par quelques questions dont était friand l’écrivain suisse Max Frisch dont il émaillait son journal, sont présentées façon "pêle-mêle", de la gravité à l'humour, et entre autres, l'interview à chaud par le reporter de guerre et l'entretien télévisé piloté par un mémorable journaliste culturel plus spécialement attaché à la littérature.
Le noyau "dur", (sans doute trop) longuement abordé, concerne le dispositif d'interview attaché au cinéma documentaire, en l'occurrence, la "Chronique d’un été" sur les Parisiens réalisé en 1960 par l'ethnologue-réalisateur Jean Rouch et le philosophe-sociologue Edgar Morin et la plus récente trilogie documentaire "Profils paysans" du photographe-journaliste Raymond Depardon immergé dans son milieu d'origine.
Nicolas Bouchaud et Judith Henry investissement allègrement la scène pourvu d'un décor minimaliste, et dispensable, de blocs de bois blond qui ne servent qu'à meubler le plateau dans une scénographie peu inspirée.
La présence empathique et le jeu efficace de ces comédiens émérites, formant, en l'espèce, un duo contrasté qui dynamise la partition, retiennent l'attention du public sans toutefois à parvenir à réitérer la virtuosité du moment de "grâce" que constituait "Projet Luciole". |