Texte de Charlotte Delbo dit par Philippe Campiche et Isabelle Bouhet accompagnés par les musiciens Julie Campiche (en alternance Soledina Camesi), Maël Godinat, Gauthier Toux et Jacques Bouduban.
Charlotte Delbo fait partie des rescapées qui n'ont cessé après avoir vécu l'horreur concentrationnaire d'essayer d'en faire comprendre à la fois le fonctionnement et le sens. C'est donc un témoin qui est allé au-delà du témoignage pour tenter d'en tirer des leçons politiques et métaphysiques. "Kalavrita" est une nouvelle tirée du recueil "La Mémoire et les jours" dont le titre complet est "Kalavrita des mille Antigone".
En décembre 1943, l'armée allemande a envahi Kalavrita, un village grec, et en massacre tous les hommes. Dès lors, les femmes qui leur survivent cherchent, à l'image d'Antigone, de les retrouver et de leur donner des sépultures décentes. Pour adapter à la scène le texte de Charlotte Delbo, Philippe Campiche a choisi la radicalité de la simplicité : celle du conteur hors pair qu'il est. Chemise blanche, gilet noir, il dit le texte en compagnie d'Isabelle Bouhet, tout de noir vêtue. Derrière eux, un trio de musiciens ponctue leur récit. Gauthier Toux (piano), Jacques Bouduban (violoncelle) et à la harpe, Julie Campiche (en alternance avec Soledina Camesi) interprètent la musique pénétrante de Maël Godinat. Fusion jazz-classique teintée d'échos balkaniques, cette composition répond avec une sobriété parfaite aux mots de Charlotte Delbo décrivant l'horreur d'un Oradour-sur-Glane en plein Péloponnèse. Pas besoin de s'étendre pour dire que le dispositif est juste et nécessaire et qu'il atteint le but recherché. Sans emphase, sans lyrisme, c'est une nouvelle fois la description du pire pour espérer que de ce chaos naîtra quelque chose de meilleur. Dans la prose de Charlotte Delbo résonne autre chose que de la désespérance et les cinq artistes qui sont sur scène sont là pour l'exprimer avec la force têtue de ceux et, ici, surtout de celles, qui ne veulent pas oublier. |