Comédie dramatique de Roland Schimmelpfennig, mise en scène de Julien Kosellek, avec Stéphane Auvray-Nauroy, Michèle Harfaut, Viktoria Kozlova, Edouard Liotard Khouri-Haddad et Eram Sobhani.
Après "Push Up", Julien Kosellek met en scène, avec la même sagacité, un autre opus de Roland Schimmelpfennig qui traite avec acuité de la violence des relations humaines contemporaines.
Roland Schimmelpfennig appartient à la talentueuse génération d'auteurs dramatiques allemands nés fin des années 1960-début 1970 qui pointent sur les dysfonctionnements sociétaux et les tragédies contemporaines de manière percutante en partant de situations banales et de personnages ordinaires avec un traitement dramaturgique qui s'affranchit des conventions théâtrales.
Naviguant entre comique et effroi, "Le Dragon d'or" décline la mouche dans le potage en dent dans la soupe chinoise comme métaphore pour dénoncer l'exploitation des émigrés clandestins, donne une suite à la fable de "La cigale et la fourmi" en forme de parabole de l'esclavage moderne et scanne la vacuité et la frustration qui sous-tend les sociétés capitaliste occidentales.
Ainsi, il était une fois un jeune Chinois quittant son pays pour retrouver sa soeur. Il travaille dans un petit restaurant sino-thaï-vietnamien nommé "Le Dragon d'or" qui, en raison de sa dent douloureuse, devient l'épicentre d'une tornade qui va secouer l'immeuble dont il occupe le rez-de-chaussée et ses tous ses occupants, dont le bourreau de sa soeur-cigale.
Sur cette trame, Roland Schimmelpfennig, dans lequel d'aucuns voient le fruit du télescopage de télescopage de Bertold Brecht et de Woody Allen, décline un drame social traité sur le mode de la tragi-comédie et du burlesque, et selon le registre d'un naturalisme revu à l'aune du réalisme magique.
Par ailleurs, ne respectant pas les codes de l'illusion théâtrale dont celui de l'interprétation en inversant les âges et les genres, il use de la dramaturgie du "short-cut" avec un entrelacement d'intrigues et une forme textuelle hybridant récit et scènes dialoguées.
Julien Kosellek maîtrise cette approche kaléidoscopique en optant pour une pertinente facture de "comic strip trash" et dirige avec efficacité les comédiens expérimentés de l'Ensemble Théâtral Estrarre.
Enchainant une pluralité de rôles dans d'impromptus espaces scéniques gravitant autour d'un praticable central portant un sommaire décor sommaire de cuisine, Stéphane Auvray-Nauroy, Michèle Harfaut, Viktoria Kozlova, Edouard Liotard Khouri-Haddad et Eram Sobhani, forment un épatant quintet pour dispenser l'histoire d'une dent vagabonde, qui pourrait bien atterrir et exploser dans l'assiette de ceux qui imitent les trois singes dits "de la sagesse". |