Réalisé par Alberto Rodriguez. Espagne. Policier. 2h03 (Sortie le 12 avril 2017). Avec Eduard Fernández, José Coronado, Marta Etura, Carlos Santos, Jimmy Shaw, Pedro Casablanc et José Manuel Poga.
Son précédent film, "La Isla Minima" (2014), a fait d'Alberto Rodriguez un auteur reconnu. Avec "L'Homme aux mille visages", oeuvre de commande, il devrait confirmer la réputation acquise.
S'attaquant à un vaste sujet espagnol, la corruption, il a décidé, pour ce faire, de s'emparer du plus grand scandale ibérique des années 1990.
Roldan, chef de la "Guardia Civile", a détourné d'énormes sommes d'argent. "Aidé" par un personnage de l'ombre, Francisco Paesa, il va fuir avant que d'accepter de se rendre aux autorités espagnoles.
"L'Homme aux mille visages" d'Alrberto Rodriguez raconte toute cette rocambolesque affaire par la voix off d'un pilote d'avion play boy "ami" et complice de Paesa. Ce choix n'est pas fortuit : c'est une vraie odyssée aérienne, aussi labyrinthique que son cerveau est tortueux, que Paesa fait parcourir à tous ceux qu'il manipule.
Eternel fumeur, celui qui est appelé "l'homme aux mille visages", est paradoxalement toujours le même, sans postiches ni perruques. Petit homme anodin, en complet chic et à lunettes, il ne trahit le stress que doit lui procurer toutes ses transactions secrètes et parallèles qu'il négocie avec des gouvernements, des banquiers ou des trafiquants d'armes, qu'en s'avérant un fumeur compulsif.
Sa vie mystérieuse, pleine de hauts et de bas, d'aléas et de revers, fait de lui un éternel errant toujours prêt à faire sa valise et à fuir avec pour seule richesse un Modigliani, dont on ne saura jamais s'il est vrai ou s'il est son "Rosebud" à lui...
"L'Homme aux mille visages" d'Alberto Rodriguez a bien entendu un petit côté John Le Carré. Sauf qu'il épargne au spectateur les tics british et qu'il réussit une remarquable reconstitution des années 1990. Paris, qui y occupe une place centrale, est totalement dépourvue de clichés touristiques. Tout juste y aperçoit-on fugitivement la Tour Eiffel.
Les nombreux personnages sont croqués en quelques traits et acquièrent aussitôt une épaisseur, et l'on soulignera ainsi la prestation marquante de Philippe Rebbot en complice paumé de Paesa voué à la clochardisation.
On frémit de ce qu'aurait fait un Costa-Gavras de cette histoire "politique" et, même si on décroche parfois, saoulé par ce maelström alambiqué dans lequel Francisco Paesa entraîne tout son monde, on finit épuisé mais hypnotisé par ce génie joueur.
Ceux qui aiment les intrigues enfantines de la série "Ocean's" grandiront d'un coup en suivant les arnaques montées par l'escroc espagnol.
Bref, qu'on soit friand ou non de ce genre de films, on devrait sortir convaincu par "L'homme aux mille visages" d'Alberto Rodriguez et en premier lieu, par Eduard Fernandez dans le rôle titre. |