Comédie de Sarah Fuentes, mise en scène de Sarah Fuentes et Jan Oliver Schroeder, avec Ludovic Chasseuil, Maud Imbert, Sarah Fuentes et Jan Oliver Schroeder.
Que le titre choisi par Sarah Fuentes ne fasse pas fuir les pudiques et les pudibonds, "Fucking Happy End" n'est pas une œuvre scabreuse ni, malgré son sous-titre "cabaret insurgé" , subversive.
Elle s'inscrit dans la vieille lignée potache de l'adaptation des contes de fée dont s'étaient faits une spécialité le café-théâtre et la bande-dessinée des années 70.
Si, à l'époque, Blanche-Neige pouvait devenir "Elle voit des nains partout", Coluche et ses congénères parler du "chevalier blanc" et Gotlib dessiner le "Grand Poucet", aujourd'hui c'est donc à "Peau d'âne" que s'attaque Sarah Fuentes.
Evidemment, "Peau d'âne", on connaît et bien. Dès lors, il n'était pas facile pour l'auteur de s'en démarquer vraiment et de ne pas suivre la trame concoctée il y a cinq siècles par Charles Perrault et rafraîchie il y a quarante ans par Jacques Demy.
Qu'on se rassure ou s'en désole, on osera révéler qu'ici Peau d'âne ne met pas la main à la pâte et qu'elle ne donner pas la fameuse recette du gâteau d'amour... Car la "Peau d'âne" mise en scène par Sarah Fuentes et Jan Oliver Schroeder se veut "trash". Dès le début, on en conviendra en voyant le très beau trône royal à têtes de mort conçue par Renée Guirao et les tenues subtilement "déguenillées" dans lesquelles s'embrouillent le roi et la reine dans une longue scène de ménage liminaire. Ce début est bien à l'image de "Fucking Happy End" : formellement très réussi, avec ces costumes originaux et pleins d'esprit de Sho Konishi, cette scénographie riche d'effets de Carolina Spielmann, et des acteurs parfaits dans le parodique ; plus problématique sur le fond, puisque, tout de suite, on s'interroge sur la nécessité pour Sarah Fuentes de suivre le cânevas du conte rebattu de Perrault. On aurait aimé que l'auteur ne bride pas sa fantaisie et se démarque davantage de son envahissant modèle. Ainsi quand a lieu le "casting" des reines pour que le roi en finisse avec son veuvage, on a le droit à une succession de prétendantes déjantées qui devient fastidieuse, alors que l'écriture est drôle et qu'elles sont campées avec talent et autorité par Sarah Fuentes elle-même et Maud Imbert. Quand le cabaret finit par "manger" le conte, on est épaté par la qualité de la production. On aura eu le droit à des changements incessants - et rapides - de costumes, tous très inventifs et d'une grande beauté, comme la tenue verte de "Reine d'Angleterre" où Maud Imbert est formidable. On aura vu se transformer la scène et le quatuor de comédiens démontrer sans peine son énergie et sa grande qualité. Si l'on a déjà parlé de l'abattage de Sarah Fuentes et de la grâce irradiante de Maud Imbert, dont on avait déjà apprécié le talent insolent dans "Je suis né le jour de mon anniversaire" de Thierry Mourjan, on n'oubliera pas les deux garçons. En effet, Ludovic Chasseuil et Jan Olivier Schroeder peuvent à volonté jouer les animaux, les rois, les princes peu charmants, ou les fées, et cela sans jamais se départir d'une vraie folie distanciée. Le travail de Sarah Fuentes et de Jan Olivier Schroeder n'est pas à négliger, même si on leur conseillera de laisser Charles Perrault et ses confrères Grimm et Andersen aux matinées enfantines. Il y a tant d'autres choses à transgresser et ils ont un énorme talent pour le faire. |