Spectacle conçu, mis en scène et interprété par Tsirihaka Harrivel et Vimala Pons.

Comment résumer "Grande" ? On pourrait dire que c'est un course contre la montre et à rebours (puisqu'elle commence par la fin) qui mène un couple de circassiens, héritiers d' Anna Karina et Jean-Paul Belmondo dans "Pierrot le fou" de Godard et comptables de ses "Je me souviens" à la manière de George Perec, vers un triomphe à la romaine, avec public debout et applaudissements incessants.

Godard, Perec, le cirque, le théâtre, "Grande" est donc un spectacle complet, mais pas un tout en un comme un big mac. Ici, tout se savoure, même s'il faut mâcher au rythme des exploits ou des facéties de Vimala Pons et de Tisrihaka Harrivel qui se succèdent dans un tourbillon de musiques et alimentent un savant capharnaüm scénique.

Ici, celui qui vient balayer les débris d'assiette que Vimala Pons s'est cassée sur la tête a autant d'importance que Tsirihaka Harrivel qui vient de tomber de huit mètres suspendue à une cuisinière à tambour.

On en dira le moins possible sur ce qui se passe d'inouï dans ce spectacle total où les mots et les choses se répondent et se correspondent au gré des aventures quotidiennes de ce vieux jeune couple d'athlètes poètes qui sait rendre réels les rêves et déréaliser la réalité.

Pour construire sa "Vie (mode d'emploi)", George Perec avait d'abord établi un "Cahier des charges". "Grande" reprend ce principe et l'on pourra voir, avant ou après le spectacle, un mur rempli de petites indications préparatoires à cet immense fouillis incohérent qui finit par être l'expression de l'ordre-désordre qui caractérise toute vie, a fortiori toute vie de couple.

Oui, "Grande" aurait pu reprendre le titre du chef d'oeuvre de Georges Perec. Commencé par un strip-tease "à la Arturo Brachetti", cette synthèse du travail entamé par Vimala et Tsirihaka depuis plus d'une dizaine d'années, s'achève par une fin très godardienne.

On sait que Vimala Pons est devenue l'égérie de quelques nouveaux francs tireurs du cinéma français, comme Antonin Peretjako, avec qui elle a tourné "La Fille du 14 juillet" et "La Loi de la jungle". Elle prouve dans "Grande" qu'elle est déjà plus qu'une actrice prometteuse.

Dans ce "Barnum" en huit histoires, l'électronique a aussi une importance capitale. Pour que le miracle s'opère à chaque instant, la technique se doit d'être bienveillante. Tsirihaka Harrivel, le maître d'oeuvre de cette machinerie dans la lignée des travaux préparatoires Marcel Duchamp pour "La mariée mise à nue par ses célibataires, même" lui, est un deus es machina discret et un acrobate hors pair.

Mais si "Grande" est bourré de références, et en suscite d'autres que celles vraiment pensées par ses auteurs, ce n'est pas pour autant un spectacle pour intellectuels. Au contraire, sa complexité est simple et ne cherche qu'à produire que de la beauté et de l'émotion.

De l'art, du grand art.