Comédie dramatique de Jeton Neziraj, mise en scène de Roland Mastroppolito, avec Sylvie Cens, Mariane Kanté, Florence Meillet et Pascale Payen.
Dans la bulle sororale confinée propice au psychodrame que constitue l'institut de beauté, entre deux clientes qui se confient, les esthéticiennes tuent le temps en parlant de la vie, de l'amour, des hommes, et de leur vie de manière cathartique.
La directrice femme violentée par son mari (Florence Meillet) règne sur sa petite entreprise et ses trois employées : Emili la laissée pour compte dépressive (Sylvie Cens), Maragarita la pétulante qui a épousé un "homme-serpent" (Mariane Kanté) et Xhéni la femme abandonnée (Pascale Payen).
Cette situation évoque celle du film "Vénus beauté" mais l'argument se développe dans un espace spatio-temporel sous emprise d'un contexte historique tragique et dans le genre dramatique.
Car le signataire de cet opus intitulé "La guerre au temps de l'amour" est signé de l'auteur kosovar Jeton Neziraj qui, au demeurant, le traite de manière doublement métaphorique dans une partition, traduite par Anne-Marie Bucquet, qui se révèle poignante.
En effet, l'embellissement ou l'occultation de la réalité constitue des parades communes tant dans la civilisation du paraître que pour l'être en souffrance affective, même si cette dernière finit toujours par le rattraper, tout comme pour les pays au regard des traumatismes de l'Histoire.
Ainsi, de monologues en scènes chorales, les souvenirs et récits éclatés se mêlent et s'imbriquent de façon puzzléique et, peu à peu, modifient les contours du lieu en les déformant pour instiller une inquiétante étrangeté.
Ce dont rend subtilement compte tant la mise en scène de Roland Mastroppolito que le jeu des comédiennes qui interviennent avec justesse dans le registre du réalisme incarné progressivement phacocyté par le grotesque et le burlesque ce qui sollicite tant l'imaginaire que le questionnement du spectateur avant un inattendu dénouement.
Et donc, une belle et réussie proposition de la Compagnie Grains de scène.