Réalisé par Argyris Papadimitropoulos. Grèce/Allemagne. Comédie dramatique. 1h44 (Sortie le 31 mai 2017). Avec Makis Papadimitriou, Elli Tringou, Dimi Hart, Yannis Tsortekis, Hara Kotsali, Maria Kallimani, Milou Van Groesen et Marcus Collen.
Sur l'affiche de "Suntan" d'Argyris Papadimitropoulos, au dessus du titre, est inscrite la formule : "Certains bronzent, d'autres se brûlent"
Elle va rythmer tout le film. Un film ensoleillé, brûlant, torride, qui donnera un avant-goût de vacances à ceux qui choisiront la Grèce, et précisément l'île d'Antiparos, là où Kostis vient d'arriver comme médecin.
Quadragénaire au physique ingrat, solitaire, pas très à l'aise dans la vie, il mène une existence tranquille hors saison soignant les petits bobos des îliens. Mais la tranquillité a une fin : le temps des vacances, le temps où le bronzage ("suntan" en grec) se fait agressif pour la peau.
A l'apathie succède l'excitation des nuits sans fin, des fêtes orgiaques où l'alcool coule à flots et où règne la liberté sexuelle. Kostis, entre deux âges, a le tort de se croire soudain en vacances. Ayant soigné une jeune femme, Anna, qui lui offre un soir sa beauté libre, il s'enfonce peu à peu dans une débauche fatale.
Argyris Papadimitripoulos affirme qu'il a été inspiré par les livres de Michel Houellebecq, et, effectivement, on pourra y voir une adaptation réussie des "Particules élémentaires" ou surtout de "La Possibilité d'une île". Le contraste entre Kostis et Anna est saisissant face à cette ère du vide joyeux, à cette dictature des apparences : l'un se décompose à mesure que l'autre en devient l'image idéal.
Filmé sous toutes les coutures de sa nudité, le corps d'Elli Tringou ensorcellera le spectateur comme il a envoûté Kostis. Dans la lumière vive du jour, le beat bruyant d'une nuit qui n'est qu'un jour artificiel, ce corps l'obsède, et, alors qu'il n'y a aucune perversion du côté de la jeune femme, il s'invente tout seul une relation digne de "L'Ange Bleu".
On peut alors envisager "Suntan" d'Argyris Papadimitropoulos à la fois comme un "thriller érotique" et comme une "métaphore politique" de la Grèce endettée. Alors que certains s'amusent, insouciants, et profitent du soleil, de la mer et du sexe, d'autres s'épuisent à mimer ces plaisirs... et finiront par le payer très très cher.
Evidemment, Anna fréquente un groupe de jeunes touristes étrangers, des hippies argentés, pour qui le petit docteur bedonnant n'est qu'un personnage atypique avant de se transformer en boulet pathétique. Au cours de ses nuits sans sommeil, Kostis retrouve aussi des copains de fac, qui, eux, ont réussi parce qu'ils ont cédé aux sirènes de l'argent facile et vu dans la médecine une opportunité d'enrichissement.
Le voilà donc emblématique de cette Grèce qui s'est laissée embobiner par les beaux parleurs et entraîner par l'Europe vers un modèle économique catastrophique.
Passionnant de bout en bout, "Suntan" de Argyris Papadimitropoulos décrit brillamment l'été à Antiparos. Il est servi par la formidable prestation de Makis Papadimitriou qui fait de Makis un personnage inoubliable. |