Monologue dramatique de Samuel Beckett dit par Christophe Collin dans une mise en scène de Jacques Fontaine.
"Premier amour", titre emprunté à un très beau roman de Tourgueniev, est un des premiers textes écrits par Samuel Beckett en français en 1946 et publié par les éditions de Minuit en 1970.
Monologue d'un homme sans nom qui conte sa découverte de l'amour avec Lulu, visiblement une prostituée, "Premier amour" porte en lui toute l'écriture beckettienne, mais dans un style limpide et plein d'humour.
Déjà porté à la scène plusieurs fois, il prend avec Christophe Collin une dimension d'évidence. Dominique Breemersch, le scénographe, a joué la simplicité : sur scène, un banc, rien qu'un banc où l'homme peut parfois s'allonger comme pour regarder un possible ciel.Jacques Fontaine a lui aussi opté pour une mise en scène minimaliste, jouant sur le grand corps de son acteur. Christophe Collin a revêtu un long manteau, s'ouvrant sur un gilet noir et un pantalon sans forme et surtout est coiffé d'un chapeau qui a tout du galurin. C'est donc un homme déclassé ou a-classé, une espèce de proto-clochard ou un grand épouvantail dégingandé. Quand il parle, il a comme un accent "paysan", une manière rustique de dire les mots. Christophe Collin est une révélation. On le sent se délectant du texte de Beckett. Il en savoure la moindre digression et le pratique avec une aisance extraordinaire. Sans préjuger de la suite, on peut lui prédire qu'il est parti pour accompagner "Premier amour" pendant de longues années. Ce devrait être sa référence et son passeport pour toute sa carrière. Preuve absolue de cette réussite, on n'a qu'une envie après avoir vu cette version de "Premier amour" : se procurer l'ouvrage et le relire. On en découvre alors toute la profondeur et l'on apprécie encore plus la performance de Christophe Collin et le travail de Jacques Fontaine. Ce duo, auquel il faut associer Dominique Breemersch aux lumières, propose sans doute l'un des meilleurs spectacles de la saison. Il ne faut absolument pas le rater. |