Le premier jour d'un festival est parfois sous le signe du tâtonnement... Et ce Download Festival France version 2.0 n'a, pour cela, pas échappé à la règle. Si tout vient à point à qui sait attendre, deux heures pour faire cinq petits kilomètres et accéder à l'immense site de la BA217, fut une expérience un peu rude... Pourtant, l'organisation est visiblement là. On en conclut à la ruée vers le metal (attention, jeu de mots) et au manque de baraka. Bienvenue à Bretigny-sur-Orge !
Le deuxième drame de la journée consiste à répertorier les groupes déjà ratés en raison de ces filandreux bouchons (et ça fait déjà beaucoup, et on rage quand même encore un peu). Autrement dit, ça commence plutôt mal pour nous, vu que tombent aux oubliettes Mallory Knox, The Cadillac Three, Raveneye, Kverlertak et Dagoba (ça fait mal, quand même).
Du coup, jamais deux sans trois, le nouveau drame de la journée arrive dans la foulée : Blink-182, pas de photos, Linkin Park, pas de photos. Comprendre : pas de photos pour les petits médias qui ne paraissent pas faire la pluie et le beau temps dans ce merveilleux monde de la musique. Et là, imaginez le regard interloqué de la centaine de photographes accrédités qui n'auront pas, tout comme moi, accès à la fosse pour ces deux groupes...
Comme on a appris à lâcher prise, parce que c'est à la mode, à prendre du recul, parce qu'il est paraît que c'est nécessaire dans la vie, on prend sur soi et on décide d'aller voir, sur la "spitfire stage", quatrième et plus petite scène du site, The Charm the Fury – et c'est tant mieux, parce qu'ils se défendent joliment bien. Caroline Westendorp, chanteuse au charisme indéniable, a la beauté brute d'un animal sauvage et le sourire sincère d'une jeune première : en tous les cas, la voix – claire ou saturée – suit, l'énergie scénique aussi, et c'est exactement ce que le public attendait pour oublier, d'un headbang généreux, les affres de son arrivée sur site. On découvre un parterre de connaisseurs, à l'oreille affûtée, qui scandent les paroles sans retenue de ce nu metal plutôt bien pensé. Depuis, on écoute en boucle leur dernier album, The Sick, Dumb and Happy (2017)...
Enthousiaste, on court, sur la "warbird", troisième scène du site, voir les incontournables Hatebreed – même si on change radicalement de style, on est dans le même label Nuclear Blast qui semble fournir de bonnes adresses musicales. On entre en effet dans le hardcore craché, gras, rageux, porté par un Jamey Jasta plus agressif que jamais. Au vu du public amassé sous devant les crash-barrières, on comprend que sur ces trois jours, c'est ici, sur les "petites" scènes que tout va se passer, en terme d'ambiance et de découvertes. Juste pressentiment.
Blink-182, qu'on décide quand même d'aller voir histoire de dire qu'on les a vus, c'est un peu la nostalgie qui part en vrille, le passé qui nous fait honte au présent... Parce qu'il faut bien se l'avouer, ça a quand même trèèèès mal vieilli. Matt Skiba et Mark Hoppus ont beau garder l'attirail "Blink" – pantalon rayé, grattes vertes, cheveux dressés sur la tête, etc., quelque chose est bel et bien perdu. On soupire, et on s'en va.
De fait, puisqu'on monte en puissance depuis le début, la claque de la soirée est à la fois prévisible et salvatrice : vous avez bien compris, je vous parle de Gojira. Pour résumer sans se fatiguer, nous dirons : gros groupe, grosse scène, gros son. Une explosion de colère et puissance, le tout face à la poésie paradoxale d'un coucher de soleil, et d'un public enfin clairement réceptif à la musique qu'on lui offre. Gojira sait, d'un revers de riff aussi technique qu'entêtant ou d'un film en background parfaitement intégré aux morceaux, fasciner. Vivement les Eurocks, pour profiter encore de ce "Magma Tour" sans faux pas...
On ne sait si c'est l'heure, la programmation, le temps, la configuration des planètes, mais le site paraît désert – on ne dira pas la même chose le lendemain... – et malgré tout peu motivé. Ce que nous confirme le début du concert de Linkin Park. Public immobile et bouche bée devant la pop gracile et éthérée d'un Linkin Park qui a bien, bien changé. Et là, on se rend compte d'abord que l'on a vieilli, ensuite que programmer des groupes anciens peut être à double tranchant. Il faut dire que One More Light, leur dernier album, annonçait clairement la donne commerciale et que le début du set lui est fondamentalement dédiée. Moralité : huées du public, départs vers les bars après les quelques premiers morceaux sont un terrible indicateur du "fail" de la soirée... Il paraît qu'une amélioration – lire : d'anciens titres – si firent entendre vers la fin du set. On n'a pas tenu jusque là. Le dossier de presse du festival parlait d'un son entre "rap et nu metal" : on cherche encore. Une lourde déception.
On passe, pour finir, faire un tour du côté de Skinny Puppy, histoire de goûter au plaisir du grand n'importe quoi. Au moins, on y trouve du spectacle sur scène, de l'ambiance dans le public, et un vrai son bien à soi, mélange incongru et tout à fait mythique de noise rock et d'electro-indus, le tout dans une mise en scène hypnotisante, mimant la folie avec un réalisme... bluffant.
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