A travers son dernier album, Total musette, Xavier Plumas et Tue-Loup ont décidé de sortir du rock de leurs albums précédents pour s’engouffrer dans la reprise de 12 chansons populaires du 20ème siècle. En reprenant des titres comme "Salade de fruits", "Riquita", "La foule", "Viva Espana" ou encore "La valse brune", Tue-Loup fait le pari de remettre au goût du jour notre passé commun musical.

On se retrouve alors dans les bals musette et les guinguettes des années 30, au temps du Front populaire, de la montée des fascismes. Tue-Loup nous invite à relire et écouter les poètes, à bâtir des lieux "où le temps est plus présent qu’ailleurs", à rire et à danser. Pour eux, c’est avec humilité et humour que les chansons populaires nous parlent.

On y retrouve la gouaille sauvage de "La plus bath des Java" écrite par Georgius en 1925, "La valse brune" et son ode au banditisme anti-bourgeois de 1909. La violence du propos de "Riquita" conserve une cruelle modernité quand l’humour ravageur de Béranger dans "La fille que j’aime" fonctionne toujours autant. La sensuelle mélancolie de "Trois petites notes de musique" n’a rien perdu avec les années passées, conservant toujours autant sa dimension charnelle. La température est toujours au diapason sur "Viva Espana" quand les vapeurs d’alcool continuent de se répandre sur l’immense chanson de Jean-Claude Varnal, "Quand la mer monte".

En se faisant gardien d’un patrimoine populaire, Tue-Loup redonne vie à de nombreux "tubes" de la chanson française dans une approche non mercantile, en mettant de côté l’accordéon si présent sur ces chansons à l’époque. Il nous permet de regarder en arrière, sans nostalgie aucune, juste avec amour pour apprécier sur des versions différentes des titres parfois un peu oubliés. Le pari était osé, Tue-Loup l’a mené et réussi avec brio. Au prochain bal des pompiers du 14 juillet, on n’aura plus de difficultés pour chantonner et danser devant la scène.

Une fois encore, et ce depuis de nombreuses années maintenant, Tue-Loup nous surprend avec ce disque de reprises qui souffle chez nous un grand vent de fraîcheur et de sincérité. Et ça fait beaucoup de bien en ces temps-ci…