Comédie écrite et mise en scène par Eric Bouvron, avec Jade Phan-Gia, Kamel Isker (en alternance Elliott Lerner), Laurent Maurel, Didier Simone, Ganchimeg Sandag, Bouzhigmaa Santaro et Cécilia Meltzer.
Comme le précédent spectacle d'Eric Bouvron, "Les Cavaliers", moliérisé en 2016, "Marco Polo et l'Hirondelle du Khan" est d'abord pour le spectateur un vrai dépaysement Après l'Afghanistan du roman de Joseph Kessel, voilà la Chine dominée par les Mongols, à l'époque flamboyante de Kubilaï Khan, le petit-fils de Gengis Khan. A la rudesse de l'Asie centrale et de ses nomades fiers et farouches succède la subtilité de la civilisation chinoise même si, en 1270, elle est contrôlée par un autre peuple qui s'est emparé du commandement pour en faire, un temps, une civilisation multiraciale vouée essentiellement au commerce. C'est pour cela que l'empereur (Laurent Maurel) accueille Marco Polo (Kamel Isker), le marchand vénitien le plus célèbre de l'histoire, et le traite comme son fils. Mais Kubilaï Khan a une quatrième épouse (Jade Phan-Gia), qu'il appelle affectueusement son "hirondelle", qui ne va pas être insensible à Marco Polo qui, lui sera fasciné par cette danseuse tatouée issue d'une tribu vassale des Mongols. Tout est en place pour une danse de vie et de mort entre ses trois êtres exceptionnels, guidés par leur sensualité mais conscients de leurs positions. Et tout cela, comme dans "Les Cavaliers", avec pour vrai décor l'ambiance musicale envoûtante que va savoir donner à ce conte oriental Didier Simone.
Dans une partie de la scène, deux musiciennes mongoles (Ganchimeg Sandag et Bouzhigmaa Santaro) et une mezzo-soprano (Cécilia Meltzer) répondent à la musique savamment distillée par Didier Simone à son pupitre. L'acoustique et l'électronique se mélangent comme les instruments traditionnels "purs" et leurs déclinaisons électrisées.
Eric Bouvron a créé en deux spectacles une nouvelle espèce de spectacle musical qu'on pourrait qualifier de "spectacle parlé musical", les mots et les notes se correspondant pour une espèce de fusion qui emporte l'auditeur-spectateur loin de son siège, dans un voyage presque subliminal. On entend autant qu'on voit : on est ailleurs et on est heureux d'y être. Sans doute, le "Livre des Merveilles" de Marco Polo était moins facile à adapter que le roman de Kessel, et l'on pourra trouver l'histoire inventée par Eric Bouvron moins forte que celle des "Cavaliers". En revanche, on conviendra que le spectacle est encore plus abouti formellement, que l'osmose entre le metteur en scène et le metteur en son est un modèle du genre. Quoi qu'il en soit, le nouveau spectacle d'Eric Bouvron mérite le même accueil que le précédent. Il ne faut pas le manquer. |