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puce Ecrire liberté, à l'école des enfants migrants
Lauriane Clément  (Lemieux Editeurs)  août 2017

Souvenez-vous, le 2 septembre 2015, la photo du petit Aylan, petit garçon syrien noyé avant d’atteindre les côtes grecques, inondait nos téléviseurs puis les premières pages des quotidiens. Electrochoc, une opinion publique qui s’émeut et le bal des politiques hypocrites qui se met en place. D’autres horreurs photographiées auraient pu déjà nous émouvoir mais comme le dit Lauriane Clément, "chaque conflit a ses symboles, des éléments qui nous poussent à agir". Cette photographie deviendra rapidement le symbole de la crise migratoire actuelle mais aussi celui de l’échec des politiques migratoires européennes.

Lauriane Clément, jeune journaliste d’enquête et bénévole de la Croix-Rouge a donc fait le choix de s’intéresser à ces enfants migrants partant du fait que "l’école doit être au cœur du processus d’intégration des jeunes migrants, leur apprenant à parler français, à se faire une place en France et à devenir des citoyens français". En France, il existe des dispositifs pour les scolariser, ce sont notamment les classes d’accueil aussi appelées "UPE2A". Ces enfants migrants disposent alors d’une année passerelle avant d’intégrer une classe ordinaire.

C’est donc une enquête de terrain que nous propose Lauriane Clément, au plus près des acteurs, loin des clichés télévisuels et des discours formatés de ceux qui parlent de choses qu’ils ne connaissent pas. Lauriane Clément a suivi, dans l’Académie de Paris, des enfants migrants, sur plusieurs niveaux et plus particulièrement une classe d’accueil du LGT Henri-Bergson situé dans le XIXème arrondissement parisien ayant pour professeur Sandrine Kilani. Son livre-enquête est passionnant ; on suit, mois après mois, le parcours de ces enfants, leurs histoires personnelles, le travail formidable de cette enseignante et les difficultés qu’elle rencontre. Ces migrants ont des origines variées, leurs arrivées sont le fruit des tensions et des guerres situées aux quatre coins du monde.

Les projets fourmillent dans cette classe entre poésie, chants et théâtre notamment. Les enseignants n’ont pas de programmes prédéfinis, ce qui leur permet une vraie autonomie pouvant aboutir à de réelles innovations. Lauriane Clément nous décrit une enseignante engagée, investie et pleine d’énergie qui construit de nombreux projets avec ses élèves. L’ambition est toujours la même pour cette enseignante ; donner à ses élèves le goût de la culture française et de son histoire, leur permettre, enfin, d’intégrer, plus tard, une classe ordinaire. Cela passe par une inclusion progressive dans certaines matières en jonglant avec les emplois du temps et beaucoup de communication avec les collègues.

Il faut aussi lutter contre les mauvaises perceptions de ces dispositifs particuliers. Certains établissements sont réticents à mettre en place ces dispositifs, ayant peur que la présence de migrants ternisse la réputation de leur établissement. Peu de professeurs sont formés pour enseigner à ce type d’élèves. Ces classes de migrants servent parfois de variables d’ajustement pour certains établissements, on décide par exemple, d’ouvrir une classe pour maintenir les postes de certains profs qui ne veulent pas partir sur un second établissement. Lauriane Clément nous montre donc que ce système ne fonctionne pas toujours. Sauf que, à chaque fois, elle revient sur ce qu’il a de plus positif avec l’exemple de la classe de Sandrine, dans d’autres classes aussi.

Dans ce lycée, on considère, à juste titre, qu’avoir une classe de ce type est une force pour l’établissement. Son proviseur a des valeurs et ce type de classe peut s’avérer être un fabuleux laboratoire d’innovations pédagogiques pour un établissement situé en zone d’éducation prioritaire. Pour les élèves de ces classes, l’orientation est alors un enjeu majeur. Son enseignante ne perd jamais espoir. Elle reprend à son compte la parole du colibri rapportée par Pierre Rabhi : "quand la forêt prend feu, tous les animaux s’enfuient, mais le colibri reste et arrose les flammes. Je suis triste pour les élèves qui connaissent une situation difficile, mais je travaille aussi pour tous les autres. Quoi qu’il arrive, je sais qu’ils garderont tout ce que je leur ai appris et que cela aura donné de l’énergie positive pour faire face à leur avenir".

Sandrine n’est pas la seule héroïne du livre, Lauriane Clément a visité de nombreux dispositifs comme les ENSA qui accueillent des élèves peu ou non scolarisés antérieurement. Changement de dispositif et toujours des enseignants exemplaires, ici Muriel, ici Cynthia, qui n’ont rien à envier à Sandrine. Leur travail est fabuleux, leur investissement aussi ; on y voit des enfants qui aiment l’école, découvrant tous les apprentissages. On y voit aussi des assistants sociaux et des infirmières extraordinaires, présents dans les établissements, toujours là pour épauler ces élèves migrants. Eux seuls arrivent parfois à solutionner des situations quasi-inextricables.

Vous l’avez compris, Lauriane Clément, au travers d’une enquête fouillée et passionnante, nous montre que toutes ces classes d’accueil fonctionnent plutôt bien, souvent grâce au travail éducatif de personnels remarquables. Son livre a évidemment pour ambition de saluer le mieux possible leur investissement. Reste que l’ambition du livre ne se limite pas seulement à mettre en avant des enseignants hors-norme. Il a aussi pour but de relever les failles du système et d’essayer d’améliorer ce système. Lauriane Clément propose des solutions qui, nous l’espérons, seront mises en place bientôt.

Le livre se termine par un rappel de la situation des enfants migrants dans le monde, estimés à environ 50 millions d’individus, comme pour montrer que ceux qu’elle a suivis ne sont que quelques grains de sable quand d’autres vivent la déshérence, l’exploitation et l’horreur.

Ecrire liberté, à l’école des migrants est donc un livre salutaire et bouleversant qui nous remet les idées en place pour de bon tout en nous faisant passer un très agréable moment car il faut bien avouer que cette galerie de personnages, que l’on suit sur une année, nous fait passer du rire aux larmes, page après page.

On lit la dernière page du livre, on le referme et l’image du petit Aylan nous revient immédiatement. On espère que la France sera à la hauteur de sa tradition historique d’accueil, dans la dignité bien sûr et avec un véritable souci d’intégration. Si notre président actuel pouvait avoir entre les mains le livre de Lauriane Clément…

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :
La chronique de "Humains dans la rue : Histoires d'amitiés avec ou sans abri" du même auteur

En savoir plus :
Le Facebook de Lauriane Clément


Jean-Louis Zuccolini         
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