Comédie de Carlo Goldoni, mise scène de Jean-Louis Benoît, avec Maxime d’Aboville, Olivier Sitruk, Victoire Bélézy, Philippe Berodot, Adrien Gamba-Gontard, Benjamin Jungers, Thibault Lacroix, Agnès Pontier, Luc Tremblais et Margaux Van Den Plas.
Dans "Les Deux Jumeaux vénitiens", sur fond de mariage compromis, d'amour trahi, de rivalités amoureuses, d'assauts épéistes, de vol de bijoux, et de meurtre, se déroule la folle journée de deux jumeaux séparés à la naissance, Zanetto, homme de la campagne un peu rustre et balourd mais riche, et Tonino, jeune homme de la ville élégant et spirituel, dont la présence simultanée en la ville de Vérone résulte de leur projet matrimonial.
Inspiré par l'observatoire du caractère lunatique de ses acteurs, qu'il traduit par la ressemblance physique des jumeaux et la différence de tempérament, tout en retenant l'unicité d'interprète à la faveur du thème du double, procédé théâtral séculaire décliné comme moyen de révélations des tempéraments et source de quiproquos multiples, la particularité de cet opus de jeunesse de Carlo Goldoni se révèle triple.
En effet, elle tient à son caractère novatoire, celui de la comédie italienne moderne émergeant à peine de la commedia dell'arte expurgée du masque mais dont elle conserve les types emblématiques, et à l'ambivalence, voire l'ambiguïté résultant de son syncrétisme quant au genre, de la comédie à lazzi à la tragi-comédie en passant par la comédie de moeurs et la comédie sociétale épinglant des travers déjà contemporains, ceux du monde des apparences et de la confusion des valeurs.
Et, surtout, à son dénouement qui rompt avec les conventions du genre comique quant à la mort symbolique de "l'empêcheur de tourner en rond" dès lors, qu'en l'espèce, non seulement elle s'avère réelle mais entraîne celle d'un innocent.
Sous le titre "Les Jumeaux vénitiens", Jean-Louis Benoît met en scène de manière classique mais accomplie la partition originale dans son contexte, donc en costumes, en l'occurrence ceux en camIeu élaborés par Frédéric Olivier, tout opérant une lègère contextualisation avec l'insert de quelques répliques anachroniques, négocie bien l'hybridation du grotesque et du burlesque et soutient les scènes s'enchaînant à un rythme effréné avec une direction d'acteur au cordeau et une distribution adéquate.
Dans la sobre et élégante scénographie modulable de Jean Haas associée aux lumières douces de Joël Hourbeigt, cette "comédie des erreurs" est dispensée par une troupe au diapason à la belle fraîcheur de jeu.
Ainsi, comme Zanetto (Maxime d'Aboville) venu pour concrétiser son mariage avec Rosaura (Victoire Bélézy), la vertueuse fille, enfin pas tout à fait selon les dires du valet Brighella (Luc Tremblais), de l'avocat Balanzoni (Philippe Bérodot), suivi de son serviteur Arlequin (Benjamin Jungers) qui le promis de la soubrette de la maison (Agnès Pontier), Tonino (Maxime d'Aboville) arrive à Vérone pour retrouver son amante Béatrice (Margaux Van Den Plas).
Tout irait bien pour le dans le "meilleur" des mondes si n'étaient les illusions trompeuses, les amoureux transis, Lelio le bravache (Adrien Gamba-Gontard) et Florindo l'ami déloyal de Tonino (Thibault Lacroix), et Pancrace, affreux tartuffe libidineux lorgnant sur la fille et le magot du père campé par
Olivier Sitruk qui réussit à livrer le portrait d'une figure aussi effrayante que pathétique.
Bien évidemment, la magistrale et ébouriffante double composition de Maxime d'Aboville, à qui sied cette composition janusienne qu'il maintient toujours hors de la caricature et du numéro d'acteur, et dans laquelle s'épanouissent tant sa vélocité verbale que sa verve comique, n'est pas étrangère à la réussite de ce spectacle. |