Réalisé par Hélène Cattet et Bruno Forzani. France/Belgique. Thriller. 1h30 (Sortie le 18 octobre 2017). Avec Elina Löwensohn Elina Löwensohn, Stéphane Ferrara, Bernie Bonvoisin, Marc Barbé, Michelangelo Marchese, Marine Sainsily, Hervé Sogne et Pierre Nisse.
Si l'on n'a pas vu les deux précédents longs-métrages du couple Hélène Cattet - Bruno Forzani ("Amer", "L'étrange couleur des larmes de ton corps"), et que l'on ne sait pas ce qu'on va voir, "Laissez bronzer les cadavres" risque d'être une sacrée surprise.
En mal ou en bien. Car les deux réalisateurs sont deux cinéphiles impétinents, et ce qui s'annonce comme du "cinéma populaire" risque de paraître très abscons aux habitués pépères des séances routinières du cinéma dit de divertissement.
En adaptant l'un des premiers romans de Jean-Patrick Manchette, il était évident qu'allait ressurgir des figures de style de l'après-68, à commencer ici par une artiste "visionnaire" pour qui tirer au Luger sur des toiles faisait acte.
Vaste auberge espagnole dans un lieu enchanteur, qui était le Gard dans le roman et qui est devenu la Corse dans le film, "Laissez bronzer les cadavres" d'Hélène Cattet et Bruno Forzani accumule les personnages singuliers dans l'optique flagrante d'arriver à un règlement de comptes final, dans lequel l'hémoglobine ou la sauce tomate va couler à flots et la gratuité du propos se transformer en leçon de violence.
Après le "giallo" dans "Amer" et "L'étrange couleur des armes de ton corps", Cattet et Forzani lorgnent plus précisément vers le western post-spaghetti. Ce n'est pas un hasard si, à l'instar des films de Tarantino, ils utilisent de nombreuse musiques de Morricone et de ses émules.
Pas un hasard non plus, si le manièrisme, les effets de lumière notamment, rappellent nombre de scènes de Leone et de toute l'armada italienne (Corbucci, Damiani). Question trognes, on est aussi servi avec un Bonvoisin (Bernie) de derrière les fagots, un Stéphane Ferrara échappé des années Ossiang, un Marc Barbé revenu de tout, et, en prime, l'incomparable Elina Lowensohn en grande prêtresse macabre et cannibale de l'art éthilico-décadent...
Si l'on est dans un mauvais jour, on trouvera sans doute que cette série B qui se permet les moyens d'un petit blockbuster pour finir en nanar sanguinolant patine dans le vide ; au contraire, si l'on goûte l'originalité de cette série noire finalement très fidèle à Manchette (et à son co-auteur Jean-Pierre Bastid), on se félicitera de la liberté de ton des deux cinéastes qui n'en font décidément qu'à leur tête.
"Laissez bronzer les cadavres" d'Hélène Cattet et Bruno Fornazi est un défi au cinéma actuel : dans chaque plan se lit un amour - presque pathologique - du 7ème art. Rien n'y est calculé ni calibré. C'est à la foi magistral et imbécile, plein de trouvailles et de fautes techniques, prétentieux et amateur, plus réussi que Welles et Kubrick et plus raté qu'Ed Woods ou Jean Rollin
Bref, il faut le voir parce que ça ne ressemble à rien et que ça rendra jaloux ou que cela fera enrager Quentin Tarrentino. Ce qui, en soi, est un sacré exploit. |