Monologue dramatique de Katia Ippaso, mise en scène de Arturo Armone Caruso, avec Azuki et Maria Fausta Rizzo.
Vu de l'Occident, le Japon moderne fait figure de précurseur en termes de malaise culturel et de dérives psycho-sociétales notamment en matière de fantaisies, voire de perversions, sexuelles et d'industrie du sexe puisant dans des pratiques ancestrales.
Du bondage aux geishas des maisons de thé, des maisons des belles endormies aux "love dolls" et "pink salons", le panorama est saisissant et la journaliste, romancière et dramaturge italienne Katia Ippaso s'est intéressée au phénomène des "maisons du sommeil" dans lesquelles des jeunes femmes jouent le rôle de veilleuses humaines.
Ainsi a-t-elle écrit "Doll is mine", monologue dramatique qui relate, sous la forme calendaire du journal, un mois de la vie de Shiori, jeune fille en perte de repères, psychologiquement fragile et désemparée qui tente de survivre dans l'anomie tokyoïte en travaillant dans une maison de sommeil en se conformant aux interdictions édictées relatives au sommeil, aux relations sexuelles et à la drogue. Mais qui sait ce qui se passe dans sa chambre...
Il se présente donc comme une partition introspective ténue, parfois elliptique ou fantasmatique, dont Arturo Armone Caruso propose une transposition scénique sensible en préservant son caractère arachnéen et troublant tout en opérant sur le mode d'une fusion théâtre et musique placé sous le signe d'une inattendue et assumée hybridation Orient/Occident, et plus précisément Japon/Italie.
Ainsi a-t-il parsemé l'opus, dont le titre renvoie à celui d'une des chanson du groupe indie italo-japonais Blonde Redhead, d'inserts musicaux et de chansons, dont celle-ci, dispensés par la violoniste et compositrice sicilienne Maria Fausta Rizzo qui en rythment le dévoilement.
Dans un décor d'épure japonisante et sous les belles lumières de Andrea Abbatangelo, et délivrée en adresse au public, la partie textuelle soumise là encore à une hybridation, celle du théâtre monologal et du théâtre Nô, est transcendée par l'incarnation subtile de la comédienne franco-japonaise Azuki.
Formellement fluides et harmonieux, ces parti-pris introduisent une bienvenue distanciation presque poétique dans un corpus dramatique à la violence soutenue qui, à défaut, serait insoutenable. |