Tragédie d'après l'oeuvre éponyme de Euripide, adaptation et mise en scène de Sara Llorca, avec Anne Alvaro, Ulrich N’Toyo, Jocelyn Lagarrigue, Sara Llorca, Benoît Lugué et Martin Wangermée.
Il paraît acquis aujourd'hui par tous que, malgré les deux millénaires qui les séparent de Valère Novarina ou de Martin Crimp, les tragédiens grecs ont encore des choses à dire aux spectateurs de 2017
Ainsi, Euripide, dans ses "Bacchantes", traiterait de problématiques contemporaines, comme le racisme (l'étranger né hors la cité), le sexisme (les femmes en guerre contre la domination masculine) et la condition humaine (l'homme face aux dieux).
Vaste programme, donc, que Sara Llorca conçoit dans les règles de l'art théâtral antique. 6 personnes seront sur scène : trois acteurs (Anne Alvaro, Ulrich N'Tolo et Jocelyn Lagarrigue), disant frontalement tous les rôles, deux musiciens (Benoît Lugué et Martin Wangermée) ayant reçu les attributs du "choeur" et une chanteuse (Sara Llorca, elle-même, poitrine nue en prime) porteuse du chant et participant au choeur.
Mais une fois encore, la doxa qui veut qu'un texte "âgé" de 2 500 ans ait une résonance contemporaine se heurte à la réalité, à la littéralité. Car, ici, c'est Dyonisos, qui s'incarne en humain pour imposer sa loi à Thèbes et qui, n'ayant pas été reconnu par Penthée, le roi de la ville, et n'ayant pas obtenu de lui l'allégeance qu'il lui réclamait, invente un stratagème pour se venger et le soumettre à sa loi. Dyonisos aura ainsi recours aux femmes de Thèbes en les transformant en "bacchantes" se livrant aux orgies dionysiaques propres à son culte.
Cette histoire antique où les Dieux interviennent parmi les hommes, se jouent d'eux en prenant leurs trait et les manipulent jusqu'à leur faire commettre l'irréparable n'appelle pas vraiment de correspondances modernes.
En respectant, les règles du théâtre antique, sans trop se permettre de licence - sauf celle d'électrifier le choeur et de le composer avec un batteur et un guitariste basse - Sara Llorca laissera le spectateur dénué d'imagination devenant un texte plus poétique que polémique, dans une ambiance musicale et sonore plus cool que tragique.
Dans ses "Bacchantes" jamais grandiloquentes, jamais outrées, jamais visibles, on se demande si vraiment les hommes et les dieux se confrontent et s'affrontent.
Le spectateur passif suivra une histoire mythologique plaisante, interprétée au cordeau par Anne Alvaro, divine en Dionysos, devineresse en Tirésias et femme courroucée et meurtrie en Agavé, ainsi que par Jocelyn Lagarrigue et Ulrich n'Toyo, tous royalement floués par le bon plaisir du Dieu du Plaisir.
Bien sûr, si le spectateur accepte de confiance les présupposés de Sara Llorca, qui en fait une critique des religions et des pouvoirs, il lira entre les mots la "modernité" d'Euripide et sera sans doute transporté vers un ailleurs à la fois éternel et contemporain qui fait de l'auteur grec un ancêtre de Shakespeare et de l'actualité du moment. |