Spectacle conçu et mis en scène par Brunelle Lemonnier, avec Lucia Palli, Fabian Hellou, Tanguy Martiniere, Marie Seguin, Jeanne Lecrivain, Simon Quintana et Marthe De Carne.

Qui se souvient du plateau du Larzac ? De la lutte des paysans contre l'extension du camp militaire avec leurs pancartes en occitan "Gardarem lou Larzac" ?

C'était dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, et donc sûrement pas Brunelle Lemonnier.

On sera ainsi surpris qu'une jeune auteure ait eu envie de traiter du sujet, et pas pour faire du "théâtre documentaire" mais pour le transposer dans une contrée imaginaire (le plateau d'Oménec) et pour en faire un spectacle onirique et symbolique.

Pour aggraver son cas, elle n'a pas confié le rôle principal aux moustaches de José Bové, qui a fait ses dents de lait cru à l'époque du Larzac, mais à une brebis, Babé. Une sacrée biquette pour un beau combat au nom du roquefort.

Attention, avec son troupeau de sept comédiens (Lucia Palli, Fabian Hellou, Tanguy Martiniere, Marie Seguin, Jeanne Lecrivain, Simon Quintana, Marthe De Carne), Brunelle Lemonnier n'a pas conçu une pièce au sens strict.

Parfois parlé, parfois musical (pour le meilleur) "Gardarem" est une suite de saynètes, de sketchs, dans lesquels interviennent des personnages différents, provenant du camp "étatique" ou du camp paysan. Curieusement, s'il y a aussi des moutons beaux parleurs, il n'y a pas de militaires, l'armée restant visiblement "la grande muette".

Pareillement, si l'on parle de militants blessés par la force publique, qu'on en voit certains ou plutôt certaines échouer dans les geôles du coin, on entend guère de paroles utopiques tirées de toute la littérature baba cool qui a fleuri sur le Larzac.

C'est dommage, d'autant que Brunelle Lemonnier annonce avant la représentation que de nombreux propos dans la bouche de ces acteurs proviennent de témoins des événements qu'elle a interrogés.

Bon, il faudra en faire vite son deuil : pas d'analyse idéologique ici. Pas non plus, heureusement, de paysans affublés d'accents à couper au couteau ni d'élégie bucolique pour vanter la beauté d'un pays promis aux manœuvres de bidasses en folie ou pire encore à accueillir des missiles de la force de frappe.

Au bout du compte, "Gardarem" est finalement un spectacle ovni, qui fonctionne sur l'empathie pour de très jeunes gens qui se donnent beaucoup de mal pour convaincre de l'intérêt de leur projet.

On pourra être séduit par certains moments, notamment quand les sept comédiens passent au chant choral et lâché prise pendant quelques passages "moutonniers" et l'on recommandera à Brunelle Lemonnier de plutôt faire brouter ses ovins dans les Causses plutôt que de les laisser causer. Mais, dans l'ensemble, le plaisir dépasse de loin l'ennui et ne pas bouder cette entreprise originale, pleine de surprises.